Chapitre XI : ♪ Je suis la mort des Hommes,
♪ Et je suis de leur Vie
La maîtresse et Patronne ♫
A force de trop boire, les triplés ne se sentaient pas très bien. Pourtant, ils avaient l’habitude avant le travail de bien l’arroser.
Ils savaient qu’ils dessaouleraient vite en avalant une mixture Naine que le tavernier proposait sous la forme d’une soupe. Et c’était efficace.
A leurs yeux, la jolie serveuse rousse n’avait pas compris qu’ils étaient des tueurs et que tôt où tard, elle se soumettrait à de vrais hommes.
Ginny s’amusait à s’imaginer être une princesse et portait souvent un diadème tressée à partir de plantes.
Souvent, la demi-Elfe allait à la rencontre des
Saules Pleureurs gardiens des Nids des Phénix et des
Elfes Sylvains protecteur du Pays des Merveilles.
Devant son sourire d’enfant et ses prunelles emplis de malice, tous accédaient à sa requête.
Son diadème végétal se mettait alors à fleurir, à attirer des papillons et à embaumer l’air.
Même le tavernier Nain et sa clientèle rustique de mineurs et d’aventuriers égoïstes étaient sous le charme de la jeune demoiselle.
La serveuse apportait les repas aux individus avec déférence, suggérant là un trésor à savourer.
En attendant d’être assujettie à leur volonté, Ginny, avait servi le potage épicé aux triplés pâles comme à chaque fois qu’ils venaient.
Jin-go, Jan-go et Jay-go l’avaient bu d’une traite. Dans quelques instants, leurs états d’ivresse cesseraient.
C’est qu’ils avaient un labeur sinistre à accomplir.
* * *
Situé à l’Est de la ville, le trio quittait le
Cœur de la Montagne, une enclave Naine peuplée principalement de Nains et d’Humains.
Les Nains offraient à la ville leurs talents de forgerons, de métallurgistes et de joailliers. Leurs outils, leurs armes et leurs armures étaient incomparables.
Ils apportaient aussi le train souterrain et la plomberie pour le confort – bien que les Elfes en harmonie avec les éléments n’en avaient pas besoin.
Les trois pseudos assassins louèrent une charrette afin de se rendre au plus vite et sans effort à proximité du Campus. Leur cible Athbheochan traînait par là.
Elle ne serait pas difficile à repérer dans la soirée.
La carriole était tirée par une espèce de poulet géant que dirigeait un petit homme de la race des Halfeling.
Le cocher les déposa bien vite à l’Ouest, près des Tombes des Tréants, non loin de l’académie des Sorciers.
Après l’avoir observé sortir du Campus, ils se postèrent furtivement en bordure de la route en suivant l’ordre de leur super plan.
Ils n’avaient plus qu’à attendre la belle venir à eux.
Ce ne fut pas long. La jeune Elfe marchait seule et soliloquait – Jin-go, Jan-go et Jay-go ne voyaient pas Risu sous la chevelure.
Au fur et à mesure qu’elle s’approchait, les trois complices n’étaient plus sous l’effet de l’alcool et étaient prêts à exécuter leur super plan.
Athbheochan allait mourir sans le réaliser.
Ils leur arrivaient de jouer avec leur victime, mais ce soir là, divers maux s’emparaient de leurs têtes et de leurs ventres. Leurs souffles étaient courts.
Ils avaient du attraper un virus ou mal digérés le trop plein de cervoise.
* * *
♪ Et devant ma faux qui passe
Je vois trembler les figures ♫
♫ Et rien n'arrêtera mes déchirures ♪
«
Vivement qu’elle vienne que l’on puisse se coucher. » C’était là, à tous les trois, leurs pensées communes et prémonitoires sans le savoir.
Il est vrai que quelques heures plus tôt, dans l’une des tavernes quasi à la surface du
Cœur de la Montagne, les pintes allaient et venaient.
Et malgré la soupe pour se dégriser, les trois compères n’étaient pas dans leurs assiettes.
Ils auraient pu renoncer s’ils ne s’étaient pas sentis suffisamment en forme pour assassiner à trois une jeune femme sans défense.
Ils prendraient ensuite le temps de se reposer.
Dans le cimetière des Tréants, en bordure de la route qu’Athbheochan allait prendre.
Jin-go se tint le ventre et laissa tomber son lasso. Il glissa le long de l’arbre sur lequel il s’appuyait.
Jin-go avait la bouche grande ouverte pour chercher de l’air à inspirer. Sa peau pâle avait des teintes violacées.
Ses yeux ne clignaient plus et regardaient la Lune.
Grimaçant un peu de douleur, Jan-go vint auprès de Jin-go pour le secouer un peu.
En vain. Jin-go ne bougeait plus.
Jan-go avait fait glisser deux couteaux de ses manches qui venaient se caler dans ses mains. Il ricana. Il n’avait pas besoin de lui pour faire le travail.
Jan-go se mordit la lèvre en étouffant un «
la sale p… » et sachant que c’était finit pour eux. Rageur, il fit demi-tour pour aller aider son frère.
Il avait hâte de larder Athbheochan de plusieurs coups jusqu’à ce qu’elle en meure. Il vengerait leur trépas en la massacrant avec toute sa haine.
Il tomba au bout de trois pas sous la douleur et les problèmes respiratoires que son corps développait. A l’instar de Jin-go, Jan-go agonisait.
Voyant que ses frères traînaient à agir, on ne peut compter que sur soi, Jay-go s’avança subrepticement derrière Aethbochan pour la garroter.
Vite essoufflé, Jay-go ne parvenait pas à se placer comme il le fallait. Il décida de prendre une bouffée d’air et de l’élan pour en finir avec cette #%£-\- qui avançait comme si de rien n’était.
Ce qui était le cas.
Athbheochan et Risu admiraient le campus puis les rues de la ville et de ses arbres. L’Elfe touriste profitait de la tiédeur ambiante du soir pour se balader sans but.
Thialfi Johanssen lui avait dit de revenir après minuit pour la faire entrer en tout bien, tout honneur dans sa chambre.
Athbheochan avançait rêveuse en discutant avec Risu du Dragon. L’Elfe désirait aller à sa rencontre alors que Risu n’était pas vraiment joyeux à cette idée.
Risu lui, était pour partir en quête de noisettes Merveilleuses. Son amie lui promit de l'accompagner pour cette aventure o combien magique pour l’écureuil-fé.
Tout à leur rêverie, Athbheochan et Risu étaient loin des tracasseries des assassins que Goupil le Chanceux avait recrutés.
Jin-go agonisait, immobile contre un arbre. Son esprit vagabondait sans penser, incapable de se concentrer, si loin de la réalité.
Près de lui, parterre, Jan-go essayait en vain de crier et de ramper. Haïssant cette Elfe dont il percevait le rire mélodieux.
A quelques mètres derrière eux, en silence et lentement, Jay-go se mettait à genoux, s’évertuant à inspirer de l’air qui ne venait plus.
Leurs seules compagnes non soumises étaient les mouches qui déjà avaient pressenti leur funeste destinée.
* * *
♪ Et bien sûr, je suis cruelle
Et bien sûr, je suis très dure ♫
Au sein de l’académie de Nécromancie du Pays des Merveilles, dans l’un des bureaux qui ne lui appartenait pas, un sorcier maudissait Athbheochan pour le déséquilibre qu’elle avait causé. .
Goupil le Chanceux aux habits flamboyants se tenait en face d’un Elfe décrépi, voûté et à la peau terne et creusé.
Cet Elfe tenait un bâton de sorcellerie fait à base d’une branche d’if, de cendres et de poudre d’os de races pensantes.
Une besace était ajustée à la ceinture de sa robe de sorcier noire aux liserais argentés sur laquelle dansaient des runes.
Bien qu’affaibli physiquement, sa magie noire en faisait un être dangereux et bien plus puissant que sa forme de vieillard sénile le laissait penser.
Avec lenteur, le nécromancien donna ses instructions d’une voix rauque au maître des Vauriens.
«
Tes pantins ont échoué sans que l’on s’y attende.
Cette Sotte a des pouvoirs à ne pas négliger.
Puisque la méthode brutale et directe a échoué, usons de la fourberie.
Fais en sorte qu’elle boive cela demain soir.
Je vais invoquer le Chasseur et sa Meute.
Le Pays des Merveilles est une véritable forêt de prédilection pour y placer malédictions et légendes.
N’échoue pas. Il serait dommage pour toi que tu sois le gibier, Goupil le Chanceux. »
Goupil le Chanceux, maître de la guilde des Vauriens s’inclina et quitta la pièce sans un bruit.
Il examina la petite fiole et soupira. S’en était finit d’Athbheochan cette fois-ci.
Il soupira et changea d’apparence dans le couloir.
Maître dans l’art de l’illusion et du déguisement, le Goupil avait oublié depuis bien longtemps à quoi il ressemblait.
Lors du départ des Orcs et des Gobelins et de l’exil de presque tous les Elfes Sylvains, Goupil avait réussi avec persuasion à convaincre diverses bandes de le suivre comme chef.
Il est vrai que peu de temps avant, le Goupil avait du faire disparaître les agitateurs et les meneurs zélés et écoutés par les malandrins de la ville.
Loin d’être attiré par le vol et le meurtre, Goupil souhaitait avant tout négocier avec les nouveaux dirigeants et acquérir les secrets du Pays des Merveilles.
Et la guilde lui offrait accès à un tas de rumeurs et d’informations qui parcouraient toute la ville.
En prouvant sa valeur, il avait évité des émeutes et du pillage, Goupil le Chanceux avait pu se faire remarquer et approcher du pouvoir en place.
Mais pour l’instant, il n’en récoltait que les miettes.
Et ce sorcier venu d’on-ne-sait-où l’avait sollicité pour éliminer une jeune Elfe qui n’était pas de cette ville.
En paiement, Goupil avait eu le privilège de regarder dans une Boule de Cristal et d’avoir une réponse à l’une de ses questions.
Et des interrogations, Goupil le Chanceux n’en manquait pas.
Si le Goupil était curieux, la prudence lui indiquait d’obéir au sorcier et de ne pas se mêler de ses affaires d’Elfes.
Après tout, le nécromancien et Athbheochan étaient deux étrangers du Pays des Merveilles et réglaient leurs comptes.
Goupil le Chanceux servait uniquement ses propres intérêts.
Et le Dragon de l’académie paraissait obnubilé par son rôle d’enseignant et par ses élèves. Il délaissait les querelles insignifiants des races inférieures.
Sous l’apparence de Thialfi Johanssen, l’humain alchimiste et ami de l’Elfe, Goupil se mit en quête d’Athbheochan.Il fallait en finir rapidement avec cette Elfe.