Le monde devint chaos. Mon existence se résumait alors à survivre à tout un tas d'épreuves plus dangereuses les unes que les autres. À croire que Dieu ou l'une de ces divinités qu'adoraient les gens de cette époque maudite avaient une dent contre moi. Après de multiples périples, je me retrouvais donc en train de fuir pour ma vie, coupant à travers champs, poursuivie par toute une bande de gars armés jusqu'aux dents. Pour le coup, je remerciais la destinée de m'avoir incitée à faire de l'exercice physique ces derniers mois. Bien qu'essoufflée et en nage, j'arrivais encore à courir. Il le fallait. Je tournai brièvement la tête ; l'angoisse me fouetta le sang et me fit accélérer. Ils étaient là pour mon plus grand malheur, et absolument pas ralentis par tout l'attirail qu'ils portaient. Attirail dont j'avais eu un aperçu. L'acier de leurs longues épées, de leurs haches et lances renvoyait l'éclat du soleil, sans parler de ces armures que je n'avais vues que dans les films sur l'Empire romain. Qui sait ? Faut croire que les peuplades de l'île de Bretagne continuaient à en porter même si Rome était tombée depuis des décennies. Je soulevais davantage les jambes en maugréant sur la longueur de ma robe. Le bas ne cessait de s'accrocher aux ronces et aux branches jonchant le sol. D'autant plus que la fine pluie qui tombait depuis un moment prenait rapidement de l'ampleur, rendant le sol glissant. C'était bien ma veine !
« S'ils me mettent la main dessus, je suis foutue ! »
Affolée, je jetai un bref coup d'oeil sur mes poursuivants.
« Bon Dieu ! »
Ils ne se trouvaient qu'à quelques mètres derrière moi, et vus de plus près, ils étaient carrément flippants, surtout que certains riaient, visiblement amusés de me courir après. Je n'avais pas le choix. Il me fallait les distancer coûte que coûte sous peine de mourir, ou de souffrir de la pire des manières qu'il soit. Je n'avais aucune idée de leurs intentions, mais il ne fallait pas être devin pour savoir ce que toute une bande de barbares pouvait faire à une femme comme moi. Surtout que je les avais vus tuer sauvagement d'autres hommes. Les giclées de sang sur ma robe bleu foncé, sur mon visage, prouvaient à quelle horrible scène j'avais assisté avant de réussir à m'en éloigner aussi vite que j'avais pu. Allez savoir pourquoi ils prenaient la peine de me poursuivre, à présent, surtout quand l'un d'eux, le blond courant en tête, venait de prendre ma défense, là-bas où la confrontation avait eu lieu.
Je fus stoppée net dans mes pensées comme dans ma course par un impact violent dans mon dos. La douleur me coupa le souffle et je tombai face contre terre, ou plutôt contre boue. L'instant suivant, les mains de celui qui venait de s'écraser contre moi me retournèrent comme une crêpe. Par réflexe, et sans même vraiment voir ce qui se passait, je me débattis comme un diable. Mais l'homme réussit rapidement à m'immobiliser les bras d'une prise sur mes poignets. C'est en levant les yeux pour croiser les siens, d'un noir sans fond, que je reconnus l'homme qui m'avait sauvé la vie un peu plus tôt.
« Non mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de fou ? »