[Nouvelle] Ingénuité

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DeletedUser5997

Découvrant le forum depuis peu, j'ai eu l'heureuse surprise de découvrir une rubrique créations et notamment celle-ci.
Je vous propose donc une nouvelle que j'ai écrite, il y a un bon moment.
La période actuelle d'Halloween est idéale pour cette nouvelle qui verse légèrement vers l'horrifique.
Bonne lecture.

Innocence.

Un ciel bleu d'azur estival. Une brise rafraîchissante sur un pré verdoyant. Deux silhouettes enfantines, gambadantes parmi les herbes folles.
Moment délicieux où la nature embaumait la sérénité.
« Par ici. »
Une fillette ouvrait la marche, guidant de la main un garçonnet.
« C’est par ici.
- Es-tu sûre Maëlle ?
- Oui, je l’ai vu là-bas. »
La fillette, d’une dizaine d’années tout au plus, paraissait déterminée à entraîner le garçon guère plus âgé, vers une mine abandonnée. Les deux enfants courraient à présent vers l’entrée dissimulée par d’épaisses fougères. Maëlle écartait déjà la ceinture végétale, invitant de la main son compagnon à la suivre. L’inquiétude du garçon tranchait avec la détermination de la fillette.
« Je l’ai vu entrer ici comme je te vois Jérémy. »
À cette ultime invitation, le garçonnet balaya ses réticences à pénétrer l’obscurité et s’engouffra à la suite de sa guide. Une chape oppressante s’abattit sur lui. Inquiet d’être dans un tel endroit, il ne pouvait toutefois pas se résoudre à abandonner. La lueur chancelante que leur apportait la torche qu’ils avaient pris soin d’emporter n’était qu’un faible réconfort pour Jérémy. Maëlle, quant à elle, ne semblait pas souffrir de leur enfermement volontaire. Ses pas étaient sûrs, ils semblaient même impatients d’avancer plus avant en quête d’une aventure passionnante. Les minutes s’égrenaient dans le silence à peine rompu par le son des pas sur le sol. La flamme d’une chandelle s’agitait dans le tunnel. Lorsque, soudainement, un bruit attira leur attention. Tendant l’oreille, Jérémy ne put s’empêcher d’émettre un cri en reconnaissant un gémissement.
« C’est lui… La voix brisée par les larmes qui s’écoulaient déjà sur les joues du garçon.
- Chut ! Comment veux-tu qu’on le retrouve si tu pleures ?
- Oui, tu as raison. »
Se guidant au son des gémissements, les deux enfants progressaient vers l’objet de leur quête, sinuant dans les entrailles de la terre, bien loin de la surface. Au détour d’un ultime virage, ils débouchèrent dans une cavité plus spacieuse. Au centre, ils découvrirent une fosse obscure d’où provenaient les gémissements déchirants. Ces derniers étaient devenus de plus en plus forts à mesure qu’ils approchaient.


Innocence perdue.

« Aide-moi Maëlle. Il faut que je descende.
- Ne t’en fais pas, je vais t’aider. »
À ces mots, la fillette eut un mouvement brusque vers le bras de Jeremy qui s’écria :
« Ohh, tu m’as piqué !! Mais pourquoi ?
- Cela va t’aider, tu verras. »
Le garçon, stupéfait, se tenait le bras là où la piqûre diffusait une brûlure intense. Il se retourna vers son amie. Elle lui souriait.
« Maëllllllllllllllllllllllllllllleeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee. »
Et maintenant, il ne comprenait pas pourquoi il tombait en arrière. Il avait pourtant senti ses mains le pousser. Mais il devait rêver. Son amie ne ferait pas cela. Le choc du rude contact du sol de la fosse lui coupa le souffle, lui faisant perdre quelques instants connaissance.
Son esprit éclairci et ses yeux habitués à l’obscurité, Jérémy découvrit l’origine des gémissements. De la fourrure auburn et sanguinolente tressautait dans un coin. Les gémissements s’étaient tus. Il ne restait que le souffle d’une respiration difficile. Le garçon pleurait, laissant goutter les perles de larmes jusque sur la poussière. Une timide phrase.
« Caramel, c’est toi ? »
Tendant la main vers la chose informe et encore chaude, il frémit au contact poisseux du sang qui coagulait. Un faible gémissement reprit pendant qu’une tête se tournait vers lui.
« Caramel !! Mon dieu, que t’est-il arrivé ?
Maëlle, c’est lui, mon chien.
- Bien sûr que c’est lui, vu que c’est moi qui l’ai mis là !
- Quoi ? Que dis-tu là ? Non ! Ce n’est pas possible. Je ne te crois pas.
- Tu es stupide ou quoi ?
- Mais pourquoi Maëlle ? Pourquoi as-tu fait cela ? »
La fillette qui révélait un visage inconnu à son ami, souriait, ne répondant pas. Elle disparut de la vue du garçon qui tenait à présent son fidèle compagnon agonisant dans ses bras. Le sang de ce dernier maculait les vêtements poussiéreux de Jérémy. Les minutes s’écoulaient emportant une à une chaque étincelle de vie de l’animal jusqu’à ce que la dernière. Le garçonnet, les yeux clos et parcouru de sanglots déchirants, ne serrait plus qu’un cadavre froid entre ses bras.
« Quel spectacle attendrissant ! » railla la fillette. Le garçon relevait la tête, ses yeux bleus azurs empreints d’une haine inconnue pour lui jusqu’alors devant la trahison de son amie.
« Pourquoi ? Dis-moi pourquoi ?
- Mmmm, pourquoi pas ? Le spectacle de tes larmes est si plaisant. »
Le garçon sentit la gifle de cette dernière remarque sur son cœur. Celle qui avait été autrefois son amie se révélait d’un sadisme inconnu Il n’en revenait pas. Le feu de la piqûre apaisé s’était transformé en démangeaisons qui s’étendaient dans tout le bras, lui déclenchant de furieuses envies de se gratter. Pourtant, faisant preuve d’un nouveau courage, l’enfant n’en montrait rien pour ne pas satisfaire Maëlle. Serrant les dents, il demanda :
« Et maintenant, que vas-tu faire ?
- Maintenant, je vais attendre… attendre que les démangeaisons deviennent insupportables.
- De quoi parles-tu ? »
Les lèvres de la fillette s’étirèrent en un sourire des plus inquiétants.
« Tu le sauras bien assez tôt… » Conclut-elle, avant de disparaître de nouveau, laissant le temps, insaisissable, inexorable, faire son œuvre.


Attente.

La soif se faisait torture dans sa bouche desséchée. La faim lui vrillait le ventre. Une curieuse fièvre l’avait envahi au fond de cette fosse. Les démangeaisons s’étaient transformées peu à peu en crampes terriblement douloureuses accompagnées d’une couleur de peau marbrée et bleuâtre. À présent, la douleur avait disparu, ce qui n’était pas très rassurant. Le bras maintenant inerte n’éprouvait plus aucune sensation de son environnement. Les traits tirés par l’angoisse et le manque de sommeil, Jérémy sentait le désespoir lui briser l’esprit. Combien de temps s’était-il écoulé ? Il n’aurait su le dire. Touchant l’endroit de la piqûre, il lui semblait que son bras avait gonflé. Malgré ses yeux fatigués, il croyait voir de petites bosses granuleuses qui apparaissaient et disparaissaient. Appuyant sur l’un de ses renflements, Jérémy le sentit glisser sur le côté, puis se rendit compte avec horreur qu’elle continuait à avancer sans qu’il continue de la stimuler. Que lui avait-elle fait ?

Maëlle dégustait une part de tarte encore brûlante que sa mère venait de faire. Les adultes chuchotaient dans le vestibule, certainement sur la disparition inexpliquée de son ami. Dévorant avec grand appétit, elle faisait la fierté de ses parents devant le courage dont elle avait fait preuve à l’annonce de la nouvelle. Elle avait su retenir ses larmes et s’était même proposée pour la battue qui avait eu lieu. Malgré tous les efforts du village, aucun indice n’avait pu être relevé. Maintenant, la résignation avait gagné les villageois au désespoir des parents du disparu.
La mère, s’approchant de sa fille, lui caressa tendrement les cheveux d’une blondeur rappelant les blés. La fillette, prise d’une envie de câlins, enlaça sa mère, blottissant sa joue sur le ventre de celle-ci.
« Je t’aime maman.
- Moi aussi, ma chérie. » répondit la mère qui réprima un sanglot.

Délivrance.

Un râle tira Maëlle de ses songes. Cela allait bientôt être fini. Le bras gonflé avait viré au noir. La peau se craquelait sous l’action des dévoreurs de chair. La scène devant ses yeux s’était transformée. L’homme attaché à une chaise n’avait même plus conscience de celle qui lui avait infligé cette torture. Car il ne s’agissait plus de Jérémy devant elle. Les années avaient passé. Elle était devenue une belle jeune femme qui respirait la joie, une joie sauvage, inquiétante parfois. Pourvue d’un physique des plus séduisants, elle maniait avec habileté l’ingénuité à son profit pour amener ses proies masculines dans son antre. Elle avait alors tout le loisir de profiter des jours de leur calvaire.
Elle adorait cette façon d’infliger la mort, lente, douloureuse. Elle en avait fait sa spécialité, s son métier. Et quel métier, celui d’infliger mort et souffrances. D’ailleurs, ses concurrents l’avaient surnommée Maëlle la cruelle. Elle ne cherchait pas à comprendre pourquoi elle aimait tant cela. Elle l’avait accepté et profitait de chacune de ses « sessions » comme elle avait surnommé ces périodes infâmes. Elle irradiait de bonheur face au spectacle qui avait lieu sous ses yeux. Voir cette peau gonfler, devinant le grouillement des insectes sous celle-ci. Les craquelures sur le torse nu ondulaient sous l’effet des parasites qui cherchaient à sortir. Bientôt ils perforeraient la dernière barrière, après s’être nourri des chairs, déchiquetant vif leur hôte. Son contrat, un obscur politicien, avait été particulièrement plaisant par ses râles. Le monde des politiciens, un monde inépuisable de clients. Peu intéressée par les méandres de ce monde-là, elle profitait néanmoins de leurs jeux et coups en traître afin d’en écarter les gêneurs.
Le moment de la délivrance approchait. Elle reconnaissait les prémices, ces déchirures sanglantes sur la peau nue de sa victime. Ils allaient enfin naître. Souriante, elle s’installa confortablement afin de mieux pouvoir contempler le travail de ses petits. Un témoin de la scène aurait été glacé d’effroi à l’air maternel qui se peignait sur son visage…


Un nouveau contrat.

Maëlle jubilait. Elle venait tout juste de découvrir dans sa cache secrète un nouveau message. Elle allait pouvoir de nouveau se laisser aller à son atroce penchant. À la lecture de la missive, sa future proie était un homme, un inconnu pour elle. Il n’y avait que son nom, étrange. Habituellement ses clients donnaient moult détails sur le sort de leur ennemi désigné. Avec le pli mortel avait été joint le double de ses gages habituels. Elle était donc libre de la méthode et aucune contrainte de temps n’avait été donnée. Il s’agissait d’une journée comme elle les aimait. La traque allait débuter.
Ses informations prises, elle dénicha l’hôtel particulier de sa cible. Comme à son habitude, la tueuse professionnelle commença par observer sa future victime, afin de pouvoir utiliser à son propre avantage les habitudes de celle-ci. Chaque détail comptait dans son métier pour assurer son anonymat et sa sécurité. Cette fois-ci, l’objet de sa chasse ne faisait pas partie du monde politique. Il n’était qu’un inconnu, un jeune homme élégant. Il était de ces jeunes célibataires séduisants au vu de l’effet qu’il provoquait au contact des demoiselles en quête d’époux. De ses premières constatations, elle avait déduit que sa future victime avait une vie bien tranquille pour un homme seul. Il n’avait aucune liaison secrète, ni aucun vice inavouable. Il semblait même éviter le contact humain. La vie de sa proie apparaissait à Maëlle d’un ennui mortel. Pourtant, un quelque chose d’intrigant l’interpellait sans qu’elle arrive à mettre le doigt dessus.


Ingénuité.

Quelque temps plus tard, son choix arrêté quant aux modalités de la réalisation de son contrat, la jeune femme endossa de nouveau son rôle d’ingénue. Elle attendit que le jeune homme se rende, comme il le faisait parfois, au pavillon de chasse familial. Il semblait aimer s’y isoler de la bonne société qui l’insupportait. Parée de ses plus jolis atours, Maëlle frappa timidement à sa porte. N’obtenant nulle réponse, la séduisante jeune femme réitéra son geste plus lourdement. La porte s’ouvrit.
« Oui ? » répondit l’homme un peu abruptement.
Maëlle qui excellait dans son rôle, poussa un petit cri de surprise à l’ouverture brutale de la porte.
« Oh, par….pardonnez mon inopportune présence. Mais je n’ai d’autre choix que de quérir votre aide.
- Comment ? »
L’ingénue recula d’un pas à l’accueil peu engageant du jeune homme qui se radoucit à la crainte visible qu’il avait provoquée sur le visage de l’inconnue.
« Veuillez m’excuser, Mademoiselle. La surprise de trouver une âme en ces lieux m’a fait perdre mes bonnes manières. Il est bien évident que je vous porterai assistance.
- Je vous en remercie par avance, Monsieur » murmura-t-elle appuyant l’effet de battements de cils.
« En quoi puis-je vous aider, Mademoiselle ?
- Je suis venue en cette charmante forêt en compagnie d’amis. Ma distraction habituelle m’a éloigné d’eux et je n’ai malheureusement pas été capable de les retrouver lorsque je me rendis compte de ma déplaisante situation. Je tourne depuis quelques heures sans entrevoir l’espoir de reconnaitre de quelque manière que ce soit le lieu d’où je viens. Ayant trouvé votre maisonnette, j’ai osé y frapper avec le faible espoir que quelqu’un puisse m’ouvrir.
- Je comprends votre désarroi. Mais entrez vous rafraichir un instant, je vous prie.
- Avec joie, Monsieur » profita-t-elle de l’invitation.
L’intérieur était sobre et confortable. Un sofa et deux fauteuils entouraient une table basse en chêne. Le jeune homme invita Maëlle à s’installer dans l’un des sièges pendant qu’il ramenait deux verres et une bouteille d’un liquide ambré.
« Tenez, ce cognac vous aidera à reprendre des couleurs » dit-il en lui tendant l’un des verres empli du breuvage.
Les arômes pénétrants de l’alcool s’insinuaient dans ses narines alors que la femme ingurgitait le nectar. Ce dernier était un peu râpeux, mais nullement déplaisant au contact du palais. Maëlle sourit de gratitude. L’homme lui rendit son sourire. Une douce chaleur envahit la jeune femme sous les effets conjugués de l’alcool et du regard pénétrant du bel inconnu. Il avait les yeux d’une telle profondeur, d’une couleur irréelle, un bleu gris translucide. Elle ne s’en rendait compte que maintenant. Une étrange sensation naissait chez la prédatrice qui allait à l’encontre de tout ce qu’elle était. Maëlle se secoua intérieurement, repensant au contrat et ce pourquoi elle était venue en ces lieux. Pourtant, il régnait une atmosphère inhabituelle. Aucune de ses victimes n’avait fait naitre cette curieuse sensation. Elle aurait bien le temps d’y penser plus tard. La professionnelle qu’elle était porta à nouveau le verre à ses lèvres sous le regard toujours souriant de son hôte. La chaleur grandissait en elle faisant monter le feu à ses joues et une gaucherie inhabituelle dans ses gestes.
Me voici bien maladroite soudainement ! C’est étrange, constata-t-elle.
« Je suis bien aise de vous rencontrer enfin, chère amie. »
Le discours de l’homme avait soudainement changé de ton. Maëlle ne comprenait pas.
« Je sais que la lourdeur que vous commencez à ressentir à cet instant doit vous paraître bien inconfortable, mais permettez-moi de vous éclairer. Je n’avais que ce seul recours pour me prémunir de vos charmantes habitudes. Il y a de cela deux semaines, vous avez été engagé pour me faire passer de vie à trépas. Je suis parfaitement au courant, étant moi-même l’instigateur de cette demande. Pardonnez le moyen, mais il m’est apparu comme le plus commode pour permettre cette rencontre.
- Vous… Vous m’avez droguée ! s’exclama-t-elle.
- Bien évidemment, chère amie » répliqua-t-il, un brin déçu par le manque d’imagination de son invitée. Les yeux de l’homme si limpides exprimaient une telle innocence à cet instant. Elle comprit enfin ce qu’elle avait manqué.
« Vous êtes comme moi… »
L’homme sourit, ses yeux s’animant d’un feu incontrôlable. Il s’approcha d’elle, doucement, lui prenant la main, la baisant et lui murmura dans un souffle.
« Je le suis … »
 

DeletedUser87

Bonsoir ici,

Certains me connaissant comprendront à quel point j'aime cette nouvelle! ce thème de fille violente mais si fragile, j'adore, c'est ma came comme on dit. J'aime la façon dont tu décris la violence qui anime cette fille et son ressenti, et surtout, j'apprécie la chute. si ça en est une, car je ne sais pas si c'est vraiment la fin ou non (dis non , dis non).
bravo!
 

DeletedUser5997

Bonsoir et merci beaucoup,
C'est cette incertitude de ne pas savoir ce qui va se produire ensuite à tout pouvoir imaginer qui m'a plu le plus à écrire.
Je vais donc te décevoir, hélas, trois fois hélas, ou pas d'ailleurs, mais l'histoire s'arrête là, même si dans ma tête, je sais exactement ce qu'il se passe ensuite.
C'est le propre d'une nouvelle, la fin se doit d'être ....mmmmm sadique pour le lecteur.
Et oserais-je l'avouer ?
Oui, je le suis assez quand j'écris.
 

DeletedUser426

Après l'inactivité de ce sujet, je ferme et j'archive celui-ci.
N'hésitez pas à me contacter pour une possible réouverture. ;)
 
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