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DeletedUser426

Campement Nord Astrallus, année 87 de l'Ère Sombre, jour 26, 19h00.


Il commençait à faire sombre quand ils distinguèrent enfin la muraille de bois fortifiée au loin, éclairée par de nombreuses torches. Leurs jambes étaient toutes endolories, ils étaient tous fatigués, ils avaient tous faim, et par dessus tout, ils en avaient tous marre ! Tous sauf Syllie, qui avait retrouvé du poil de la bête, et s’était émerveillée de tout ce qu’elle voyait sur leur chemin. Les oiseaux étaient jolis, les coccinelles autour d’eux étaient splendides, les hurlements des loups étaient inquiétants mais mélodieux, les arbres étaient jolis, le bruit du vent était agréable aussi… Bref, insupportable.


S’ils ne devaient pas la ramener vivante pour la questionner et l’étudier, le groupe d’Humains se serait donné à coeur joie de la tuer en l’abandonnant dans les hautes herbes.


A leur approche, les portes du camp, faites de rondins de bois bruts, commencèrent à s’ouvrir. Des gardes veillaient du haut des remparts de fortune.


Syllie essayait de regarder à l’intérieur de l’enceinte entre les pattes des chevaux, qui menaient le cortège. Elle ne put distinguer que les briques de quelques bâtiments et un grand chemin central. Ca n’avait pas l’air très grand vu de l’extérieur. Des gens s’affairaient dans les ruelles.


Une fois à l’intérieur, elle fut émerveillée, ce qu’ils appelaient le “camp“ s’apparentait plus à un village de bonne taille. Les bâtisses de pierre en construction, pas tout à fait terminées certes, semblaient gigantesques pour la petite qui n’avaient jamais rien vu de tel. Les chemins étaient faits de terre battue, la plupart des habitations individuelles étaient faites de bois, sinon de chaux, et l’immense bâtiment central l’impressionna. Il était vraiment plus grand que les autres et en briques sombres, ce qui le rendait encore plus massif et présent, comparé au reste de l’architecture. Son toit de tuiles rouges lui donnait davantage un aspect menaçant que chaleureux, et les soldats qui l’entouraient, nombreux, attestaient de l’importance du bâtiment.


Arrêtés aux portes, ses ravisseurs contaient certainement leur voyage et leur drôle de rencontre, mais Syllie, elle, fixait toujours le grand édifice. L’écran bleu et la voix firent leur apparition, sans que personne ne semble le remarquer, peut-être qu’elle était la seule à le voir après tout.


Le bâtiment était entouré en bleu, un bleu très brillant, comme quand elle s’était réveillée, et la voix fit ses analyses :

  • Grande quantité de Mana détectée. Statut : inaccessible. Récupération impossible. Localisation : souterraine. Etude du chemin d’accès le plus court. Enregistrement de l’itinéraire en cou…
  • Hé, t’écoutes c’qu’on t’dit ? Avance.

Le soldat tout barbu et à l’air renfrogné tira brutalement sur la corde, et Syllie avança vers la cahute de bois, perdant le contact visuel qu’elle maintenait, ce qui firent s’éteindre l’écran et la voix simultanément.


Il faisait tout aussi sombre à l’intérieur que dehors. Seules deux torches placées stratégiquement prodiguaient une lumière optimisée, sans mettre le bois en danger. Le bâtiment de plain-pied ne comptait que les quatre murs rudimentaires, le reste de l’espace était dégagé. Enfin, en supposant que la maison eut été vide, ça aurait été dégagé.


Partout où il était possible d’entasser des objets sans trop gêner le passage, il y avait un bric à brac incroyable. Au centre, un établi gigantesque portait péniblement un assortiment d’outils, de livres, et de fioles en tout genre. Et le pire, ce qui effraya Syllie au plus haut point, bien collées contre le mur du fond : des cages de métal. Elle s'agrippa à la jambes d’un des soldats lorsqu’une chose bougea dans la cage. L’homme ne mit pas longtemps à la repousser d’un mouvement de dégoût, alors elle dû faire face à l’abomination, seule, apeurée.


La chose était difforme. Était-elle allongée dans sa cage, ou bien était-ce sa posture naturelle ? Difficile à dire, mais elle était tassée sur le fond de métal, faisant déborder une chair putride et noire contre les barreaux. Seuls deux billes rouges, luisantes, trahissaient un visage.

  • ...qu’elle s’appelle Syllie, il faudra l’examiner avant de la disséquer. Odile, tu crois que ça ira ?

La grande dame blonde avait retenue son prénom ! Chouette ! Une autre dame, moins jolie mais avec les cheveux roux comme l’Halfeline lui répondit, ça devait être cette “Odile” :

  • Oui, j’ai eu affaire à bien pire qu’une gamine cornue, crois-moi. Elle réajusta ses petites lunettes rondes, et mit des gants très épais. Laissez-moi seule avec elle, ça ira très bien.

Elle vint attraper la corde qui enserrait toujours les poignets de Syllie, et observa tout ce petit monde sortir de son atelier, pour ensuite observer la bête de foire qui était sous ses yeux. L’Halfeline n’en avait cure, et fixait toujours la cage du fond avec appréhension. La voix de la grande rousse la fit d’ailleurs sursauter :

  • C’est un démon. Il est inoffensif maintenant qu’il a été vidé de son Mana. Tu ne crains rien.

La petite lui lança un regard d'incompréhension qui fut accueilli par un sourire malsain. Odile attrapa une chaise en bois, et la présenta à Syllie qui s’y assit docilement. L’humaine commença à lui tourner autour, sans un mot, alors que Syllie balançait ses pieds d’avant en arrière dans le vide, comme l’enfant qu’elle était. Après un tour complet, elle vint détacher ses liens, toujours dans un silence de mort, et elle reprit sa ronde. Au bout d’un moment le silence devint insoutenable pour l’Halfeline :

  • On joue à un jeu madame Odile ? Tu connais un, deux, trois, soleil ?

Odile s’arrêta en face d’elle, une main sous le menton, l’autre sur la hanche :


  • Hum, on va plutôt jouer à questions/réponses. Je te pose une question, et toi tu dois y répondre honnêtement, sinon tu as perdu !
  • Oh oui alors ! Je mens jamais. Enfin, si, une fois, et j’ai été grondée. Maman dit que c’est pas beau de mentir. Et toi t’as déjà menti ?
  • Non. Allez à mon tour. Est-ce que tu sors du grand portail ? quelles sont tes origines ? Démoniaques ?

La femme s’était penchée vers Syllie, pour s’approcher de son visage, et la fixer droit dans les yeux. Elle resta en suspend, jusqu’à obtenir sa réponse :

  • Heu, non, je viens de la Vallée des Printemps, c’est juste à côté du Bois du Chien à deux Queues.

Syllie était très fière d’avoir appris les noms de lieux par coeur, il en allait de sa réputation d’Halfeline de pouvoir donner ses origines ! Quant à Odile, elle s’était appuyée de ses mains, dos au rebord de son établi, jambes croisées et sourcil levé.


  • Il n’y a absolument rien à la Vallée des Printemps. Répondit Odile sur un ton suspicieux. Cet endroit est désert depuis plus d’un siècle. Tu mens, tu as perdu.
  • Non non nonononon ! Tous les Halfelins viennent de là-bas ! C’est maman qui l’a dit ! Je suis pas une menteuse !

Odile ouvrit la bouche, leva l’index et inspira pour parler. Mais finalement aucun son ne sortit, et elle se retourna face à la grande table de travail, fouillant dans une pile de livres. Elle en attrapa un un peu poussiéreux, l’ouvrit, étudia attentivement le sommaire, puis parcourut les pages jusqu’à celle qui l'intéressait.


Elle regarda la page, puis leva les yeux en direction de l’Halfeline. Elle refit ce mouvement plusieurs fois avant de conclure :

  • M’oui, c’est vrai, tu ressembles à une Halfeline. Mais comment expliques-tu ta peau décorée, tes yeux brillants et ah oui… le fait que cette race soit éteinte depuis bien longtemps ?!

Syllie se concentra, il fallait qu’elle fasse une phrase très longue et c’était difficile, mais elle se lança :


  • Bah hier soir j’ai été me coucher, maman m’a raconté l’histoire trop cool avec le méchant Sorcier et les Dragons, et y a eu plein de trucs blancs sur les murs, ça faisait vraiment peur, après maman m’a bordée avec la cape magique, et je serrais fort ma poupée dans mes bras, j’étais super fatiguée, alors je me suis endormie, j’ai même pas eu peur des bruits bizarres dans la Forêt Perdue, et après je me suis réveillée, et m’man était pas là, et la maison était toute cassée, avec un gros trou tout noir tout moche autour, alors j’ai pris mes affaires et la voix m’a dit que m’man était par là-bas. Elle pointa le sud-ouest, en reprenant une grande inspiration. Et j’ai trouvé la rivière et les jolis dessins sur mes bras en fait c’est les même que la cape magique, je crois qu’elle a dépeinturé sur ma peau, c’est drôle non ? Et après j’ai joué à un, deux, trois, soleil avec le monsieur, et le vieux pas beau et la jolie dame blonde sont arrivés sur les beaux cheval et puis ils m’ont attachée, ça faisait mal, puis on a marché dans l’her-
  • STOP ! Stop, ça suffit.

Odile se massait les tempes. Si cette créature était un piège ou un être maléfique, elle le cachait très bien. Quoi que ? Il fallait le faire exprès pour être si énervant non ? Elle essaya de rassembler les morceaux et quelque chose la frappa :

  • La Forêt Perdue ? Un trou tout noir ? La jeune femme perdit son sang-froid un instant, et attrapa Syllie par les épaules, en la secouant comme un prunier. Tu viens du Grand Cratère ? Mais c’est impossible ! Elle la lâcha et commença à faire les cent pas, en marmonnant tout bas. Mais nos troupes auraient dû la voir, c’est impossible, et de toute façon personne n’a jamais atteint le centre du cratère, ça fait plus de trente ans qu’on essaie d’en percer le secret. Non, elle ment, c’est sûr. Elle regarda Syllie dans les yeux et hurla presque. Tu mens !

Syllie allait protester une nouvelle fois, pour qui elle se prenait celle-là à tout le temps dire qu’elle mentait ? Mais elle fut interrompue par un homme qui entra en trombe par la seule porte du bâtiment, essoufflé, il posa ses mains sur ses cuisses en haletant :

  • Odile… Un… Un soldat de… l’escadrille de garde... est revenue. Le Cratère, il est… il est accessible. Une escadrille… restée… sur place. Il reprit son souffle progressivement, mais afficha un regard grave. Mais il n’y a plus aucune trace de Mana sur place... Quelqu’un a trouvé le moyen de le récupérer avant nous...

Odile ne dit pas un mot. Ses dents étaient trop serrées de rage. Elle articula tout de même ces quelques mots :

  • Envoyez tout l’escadron sur place. Tout de suite.

Le ton n’autorisait pas vraiment la réplique. Elle tourna ensuite vivement la tête vers Syllie, la transperçant d’un regard glaçant… Tandis que la petite se mit à chantonner gaiement :

  • Je suis pas unnnne menteuse-euuuh ! Nananère !

A l’extérieur, le pauvre soldat essoufflé courait de nouveau dans les rues d’Astrallus, vers le baraquement de l’escadron aérien. Le capitaine y était sûrement à cette heure, il fallait qu’il y soit !


Il se précipita sur le péron, ouvrit la porte qui donnait sur la pièce de vie commune, et trouva le capitaine assis à sa place, bingo !

  • Mon… Capitaine ! Une fois encore, il mit ses mains sur ses cuisses, prêt à cracher ses poumons. Il faut… vous rendre...

Il fallait que ça arrive, une quinte de toux pris le soldat.


Le capitaine Rossred n’avait jamais été un homme de patience. Il avait d’ailleurs acquis son titre grâce à ses exploits sur le terrain, et non son aptitude à établir des stratégies. Il resta stoïque avec beaucoup d’effort pendant que le soldat s'étouffait à moitié.


Il bouillait intérieurement en serrant très fort la chopine qui se trouvait dans sa main. Au bout d’un moment il frappa violemment de son poing libre sur la table, alors qu’au même instant, le messager retrouvait son souffle :

  • Le Mana du Cratère a disparu il faut vous rendre sur place avec tout l’escadron.

Pas de demie mesure, soit il n’en disait pas assez, soit il débitait tout d’un trait. Quoiqu’il en soit, l’information n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Le capitaine acheva sa longue ascension colérique, si ça avait été possible, de la fumée serait sortie de ses oreilles :

  • COMMENT ?! Il se leva, rouge de colère, abandonnant sa choppe. Comment ça, disparu ? Il avança vers le soldat, lentement. J’espère que t’es au moins le dernier survivant pour avoir le culot de venir me dire ça en personne !

Acculé, le soldat était muet de terreur. Il déglutit, et avec courage ou simplement stupidité, il dit la vérité :


  • Nous… nous ne savons pas comment c’est arrivé… mon capitaine.
  • Comment ça vous ne savez pas ?! Vous y étiez, oui ou non ?! Alors vous allez tout de suite m'expliquer comment une escadrille complète a réussi à laisser 3 hectares imprégné de Mana se faire entièrement siphonner sous sa surveillance !
Le messager déglutit de nouveau, essayant de lutter contre le noeud qui lui nouait l'estomac et la rage de l'officier qui lui faisait face, il se contenta de délivrer son message :

  • Sauf votre respect, Monsieur, Madame Odile vous fait demander de préparer l'escadron au plus vite. Il ferma les yeux en s'attendant au pire.

Le capitaine fixa l'impertinent avec un regard prêt à le transpercer de parts en parts. Mais il n'avait pas le temps pour ça maintenant. Si l’autre folle de scientifique voulait qu'il fasse vite, il ferait vite. Il n'avait pas de temps à perdre avec des soldats aussi incompétents. Le châtiment pourrait attendre encore un peu, ses quatre camarades seraient peut être moins ignorants, ou en tout cas il vaudrait mieux pour eux qu'ils aient une bonne explication.

  • Fichez moi le camp d'ici, dites aux hommes de préparer leurs bêtes, et préparez la mienne Je veux que lorsque je sorte d'ici tout le monde soit prêt à prendre l'envol. Il s’adressa de nouveau au messager, à demi-voix. Ne prenez pas la peine de préparer la vôtre, je veux vous retrouver exactement ici quand nous serons de retour.

Il n’était pas rare que le capitaine s'énerve, mais là, il était carrément furax. Et pour cette raison, les quinze Griffons et leurs maîtres furent prêts en un temps record.


Durant tout le vol, Rossred rumina en cherchant un coupable : les orcs ? Trop stupides. Les Elfes ? Ils étaient partis vers le sud depuis bien longtemps. Les sorciers ? Presque éteints. Il ne voyait aucune explication rationnelle. Des dieux quelconques s’amusaient-ils à les tourmenter ?! Non, les Dieux les avaient abandonnés depuis bien longtemps.


Forêt Perdue Grand Cratère, année 87 de l'Ère Sombre, jour 26, 00h50.

  • Non sergent, il n’y a plus aucune trace de Mana sur des kilomètres à la ronde. Nos appareils sont formels. Aucune piste pour le moment.

Le soldat aviateur se tenait droit comme un i devant son sergent, qui lui, se focalisait sur la carte topographique qu’il tenait entre ses mains. Il la replia violemment, trop stressé du sort qui lui serait réservé, pour avoir manqué un événement aussi gros. Après toutes ces années à surveiller ce Cratère monotone, lui et son escadrille s’étaient relâchés, mais au point de louper ça… Il allait se faire tuer, ou pire, probablement pire.


Il ne savait pas quoi faire. Tenter la fuite, ou attendre sagement que toute l’armée arrive. Fébrile, il donna ses ordres :

  • Bon, repos soldat. Clouez les bêtes au sol, relayez-vous pour les tours de garde et arrêtez quiconque s’approche de notre position. Nous allons nous contenter d’attendre de savoir ce qu’ils en pensent au QG. Exécution.
  • A vos ordres sergent.

La petite escouade aérienne s’organisa rapidement, les Griffons étaient parqués et attachés, les tours de garde fixés, et ils s’autorisèrent même un feu de camp pour se reposer au chaud.


Au bout d’une heure et demie, les troupes qui venaient d’Astrallus étaient en approche et commencèrent à atterrir à la lisière de la forêt, au bord du Cratère. La quinzaine de soldats aériens était habituée à camper à toute heure du jour et de la nuit autour du Cratère. Normalement, la rotation au Cratère s’effectuait tous les matins grâce à des groupes de cinq soldats et leurs montures volantes. Il était bien rare que tous les effectifs soient réunis sur place comme aujourd’hui.


Il y a cinquante ans, des centaines d’hommes étaient constamment sur place pour monter la garde, mais avec le temps, aucun changement d’état, ni découverte majeure, la surveillance était plus hasardeuse, moins stricte. Il n’y avait pas que des Humains d’ailleurs. Nombreuses sont les races qui avaient entendu parler du Cratère mystérieux de la Forêt Perdue. Les Humains s’étaient mis à l’étudier plus sérieusement bien après les Nains ou les Elfes par exemple. Mais ils étaient aussi ceux qui s’y rendaient toujours régulièrement, quand d’autres avaient abandonné.


Enfin, c’est ce qu’ils pensaient. Beaucoup d’êtres avaient péri en essayant de pénétrer sur le cercle de mort. La concentration en Mana, mortelle, attirait autant qu’elle effrayait. Ils se demandaient comment, en une journée, tout le Mana avait pu disparaître.


Tremblant de tout son être, sous la tente de commandement en toile blanche, le sergent d’escadrille repensait aux meilleurs moments de sa vie, presque au bord des larmes.


Le capitaine arriva en trombe sous la tente, très en colère, accompagné des trois autres sergents d’escadrille. Il s’adressa directement au sergent qui était toujours au bord de la dépression nerveuse :

  • Alors ? On baille aux corneilles pendant son tour de garde ? Il s’approcha pour acculer l’homme maintenant blanc comme un linge. Ou alors on fait la cueillette de champignon peut-être ?! Où est-ce que vous étiez bon sang ?

Le sergent Rollie s’était recroquevillé sur lui même, chaque mot faisant l’effet d’un coup de poing dans son ventre. Il respira profondément avant de répondre :

  • N-n-nous n’étions… p-p-pas sur place au moment… des faits… mon capitaine ?

La veine à la tempe de Rossred pulsait d’un violet malsain et son self control était mis à rude épreuve, il commença à bouger ses lèvres pour hurler, mais Rollie l’interrompit :

  • C’est Dame Odile qui nous a demandé un service. On est arrivé au Cratère vers midi…

Etrangement, le capitaine sembla se radoucir, mais il hurla tout de même :

  • Et est-ce que “Dame Odile” ça sonne comme “capitaine” ? Triple andouille, je pourrais vous faire exécuter pour insubordination si on était pas en effectif réduit. Espèce de crétin ! Et qu’est-ce que “Dame Odile” veut de si important qu’il faille que vous abandonniez votre poste ?
  • Des Fées mon capitaine.

C’est Allie, la sergent de l’escadrille Gamma qui répondit. Le capitaine la fixait maintenant, toujours rouge de colère, mais interloqué, elle continua :

  • Elle nous a tous demandé de lui trouver des Fées au nord de la forêt, elle a besoin de sujets pour ses expériences.

Quand tous les officiers baissèrent la tête, d’un air coupable, Rossred se massa les tempes et avec un regard noir, mais une voix plus tempérée il s’adressa à tous :

  • Très bien, je réglerai ça plus tard. En attendant, les quatre escadrilles vont se séparer et couvrir toute la zone sur une centaine de kilomètres, chacune en formation, à portée d’appareils de détection les uns les autres. Si vous détectez une forte concentration, sonnez le cor. On cherche tout ce qui peut se déplacer, démons, biches ou Elfes, peu importe. Si ça respire et que ça se déplace, c’est forcément un suspect potentiel. Alors soyez attentifs. Allie au Nord, Teyller à l’ouest, Ugoe à l’est et j’irais au sud avec Rollie. On se rejoint ici dans deux heures si vous êtes bredouille. Préparez-vous, on y va.

Tout le campement se mit rapidement en branle. Au bout de 30 minutes, tout ce qui pouvait être réutilisé était plié et rangé, les armures légères des soldats comme des griffons révisées et bien harnachées, les détecteurs de Mana vérifiés et prêts pour la recherche. Le signal fut donné par chaque officier, puis par le capitaine qui décolla en dernier avec ses hommes.


Ils ne savaient pas ce qu’ils cherchaient, mais chacun avait conscience que des êtres capables de résister à une telle concentration de Mana n’étaient pas de ce monde.


A présent loin dans les airs, Corg, qui observait les humains à bonne distance, sortit de sa cachette. Il était arrivé presque en même temps que les Humains cette nuit. L’Orc avait fait un très long voyage depuis les montagnes du Destin, pour tenter sa chance au Cratère.


Tout Orc qui se respectait était au courant, si l’on arrivait à se baigner de Mana dans le Cratère de la Forêt Perdue, on accédait à la plus grande puissance de ce monde. Les Dragons, ces traîtres de rats volants, prétendaient même que Raeynd avait péri ici même.


La montagne de muscle, à la peau verdâtre et brune, se fondait parfaitement dans le décor grâce à l’obscurité de la nuit.


Prudemment, il vérifia que la voie était libre de son seul oeil valide, et s’approcha du Cratère, machette à l’épaule, un sourire dessiné derrière ses deux énormes crocs inférieurs. Cependant, plus il s’approchait, plus son rictus disparaissait.
 

DeletedUser426

Campement Nord Astrallus, année 87 de l'Ère Sombre, jour 26, 08h30.


Syllie regardait toujours la chose bizarre dans la cage d’un air inquiet, d’autant qu’elle se trouvait elle même dans la cage voisine. Les torches n’étaient pas tout à fait éteintes, faisant danser des ombres inquiétantes sur les murs.


Odile était affalée sur son établi, en train de dormir. Derrière la porte d’entrée, du raffut et une grosse voix tonnèrrent :

  • Je me fiche qu’elle dorme ! Laissez-moi passer !

Un grand coup fit voler le verrou de la porte de bois en éclats, surprenant de Syllie et Odile de concert. Cette dernière, à peine éveillée, hurla d’une voix grasse et enrouée :

  • Qu’est-ce qui vous prend ? Mais vous êtes pas bien ! Le Seigneur Sigur va en entendre parler croyez-mo…

Le capitaine Rossred l’avait attrapée par le cou, il serra un instant, et lui murmura d’un ton acerbe :

  • Alors comme ça on veut commander mes hommes ? T’as de la chance que Sigur te protège, moi ça fait bien longtemps que j’aurais interdit tes expériences de sorcière et que je t’aurais fait cramer. Moi aussi je peux jouer au savant fou… Je pourrais découper tes cobayes, ça te servirait d’avertissement, tu crois pas ?

Il laissa tomber la rousse comme on jette une poupée de chiffon sur le sol, et son regard tomba sur Syllie. Il ne lui fallut que quelques enjambées pour arriver devant la cage métallique, où la petite se recroquevilla de terreur. Il avait un regard fou et sortit un long poignard.


Derrière lui, Odile s’était relevée et contre toute attente, se mit à rire :

  • Vas-y, tues là celle là, et t’expliqueras à Sigur comment on a perdu le Cratère, la plus grosse source de Mana depuis plus d’un siècle ! Tu crois que me contenter d’extraire des quantités minables sur les abominations qui sortent du portail ça me convient ? Moi aussi je veux voir ce que c’est d’être prospère et riche, comme dans le temps ! Si tu la tues on récupérera peut-être jamais le Mana qu’elle a récupéré !

La grande main de Rossred serra le poignard un peu plus fort, puis il baissa la tête en comprenant.

  • Le Cratère, c’est cette chose ? Il se tourna vers Odile. Cette gamine à cornes a en elle le Mana qu’on essaye de récupérer depuis toute une vie ?

Odile allait répondre quand des cris retentirent à l’extérieur, à travers l’encadrement de la porte défoncée, les Humains couraient vers l’intérieur du village.


Rossred en fut ravi. Peu importe ce qui en était la cause, il allait pouvoir se défouler dessus. Il sortit rapidement, suivi d’Odile qui avait attrapé une arme sur sa surface de travail.


Syllie, qui ne comprenait vraiment plus rien, observait attentivement l’extérieur en agrippant les barreaux qui la retenaient. Elle ne voyait pas grand chose, la luminosité était bien plus forte dehors qu’à l’intérieur, le contre jour l’aveuglait en grande partie.


A peine une minute passa, les gens criaient et fuyaient toujours, et sans crier gare, une secousse fit trembler les murs, puis un corps désarticulé traversa la pièce jusqu’au mur du fond, non loin de Syllie.


Ses yeux s’écarquillèrent, s’en était trop. Elle était sage parce que la grande dame lui faisait peur, mais il n’avait jamais été question de jouer à lancer des gens ! Pendant qu’elle essayait de reprendre ses esprits, elle n’avait pas remarqué l’une des torches au feu mourant se décrocher sous l’impact du nouvel arrivant. Mais très vite, une épaisse fumée commença à s’élever. Le feu, le feu lui faisait très peur. Sa mère l’avait toujours mise en garde contre cet élément ravageur. La panique l’envahit, et elle se mit à chouiner :

  • Mamaaaaan ! Je veux ma maman ! Au secours !
  • Danger. Veuillez évacuer et vous diriger vers le refuge le plus proche.
  • J-j’peux pas… stupide poupée ! Fais-moi sortir de là d’abord !

Et c’est évidemment ce que fit AEYA. Les yeux de Syllie brillèrent, et une concentration pure de Mana dirigée en faisceau découpa les barreaux comme s’il s’agissait de beurre.


Syllie poussa les barreaux sciés, elle n’y voyait rien. Cette fois-ci elle était forcée de se repérer avec l’écran holographique. Un rond entourait la sortie derrière un rideau de flammes : pas génial, se dit-elle. Et un autre rond pointait le sol. Elle déconne cette poupée ?


Elle tenta le tout pour le tout et s’avança vers le point le plus proche. Sous des objets entassés et un épais tissu, Syllie finit par mettre la main sur une poignée. Elle eut quelques difficultés à soulever la trappe, mais après tout, la fumée ne la faisait même pas tousser, ses yeux ne la piquaient même pas et elle n’avait même pas chaud. Mais le feu c’est dangereux, un point c’est tout !


Quand elle commença à s’insérer sous la trappe, une grosse voix caverneuse, couvrant le vacarme ambiant retentit au dehors :

  • VENEZ AFFRONTER CROG LE GUERRIER ! ALLEZ !

Non merci se dit l’Halfeline qui se pressa d’entrer dans le tunnel souterrain.


Ses yeux brillaient de nouveau dans la pénombre. Les parois étaient creusées à même la terre, des tréteaux de bois soutenaient le plafond de ci de là, et seul l’escalier de pierre qui s’enfonçait sous la terre donnait un aspect un peu plus sophistiqué à cet endroit lugubre. Syllie n’aimait pas trop ce genre d’endroit, alors elle se mit à chantonner en avançant dans la seule direction qu’il lui était possible d’emprunter. Après presque deux cent mètres parcourus, le couloirs s’élargit un peu et l’atmosphère devint plus humide. La lueur bleue de ses yeux rendait le décor plus glauque et la terre battue fit progressivement place à des pierres taillées, comme celles de l’escalier. Le couloirs déboucha sur une salle circulaire. En son centre, une grande tour de pierre sans ouverture, brillait de la même lueur que ses yeux. Un petit escalier longeait le mur sur sa droite, remontant probablement à la surface, tandis qu’une large grille entrouverte se trouvait plus loin. L’écran d’AEYA s’afficha :

  • Grande quantité de Mana détectée. Récupération en cours.

Au dessus de Syllie, de grands bruits retentirent, comme une porte qu’on enfonce. Le silence retomba, suivit de l’interface TX-06-AEYA qui déclara :


  • Récupération terminée. Statut : OK. Itinéraire actif : Montagne du Temps. Besoins physiques : null. Etat psychique : moyen. Menace détectée : une.

La petite Halfeline regarda la flèche de son itinéraire qui pointait en direction de la grille. Elle allait se remettre en route quand une pression s’exerça sur son crâne, juste entre ses cornes. Elle eut un hoquet de surprise quand elle fut soulevée au dessus du sol. La main qui maintenait sa tête la fit pivoter et Syllie hurla de terreur. Un cri si perçant qu’il en aurait brisé du cristal. Ses bras et ses jambes gigotaient dans tous les sens, brassant de l’air, alors qu’elle ne s’arrêtait plus de crier.


Face à elle, bras tendu pour la maintenir en l’air, l’Orc avait un regard blasé en attendant que cette alarme vivante ne cesse. Syllie finit tout de même par s’arrêter et comme il ne se passait rien, elle relâcha tous ses muscles en fixant Crog d’un drôle d’air. Il put donc entamer le dialogue :


  • Où est le Mana la luciole ? Pourquoi tu brilles comme ça ?
  • Le Mana ? Je veux juste trouver ma maman moi.

L’Orc regarda vers le haut, en pensant au village. Si sa mère y était, il l’avait tuée. Comme tous les autres. Quelle importance ? Il était là pour le Mana. Ces foutus Humains l’avaient forcément stocké ici. Il ne pouvait pas rentrer bredouille, que diraient les autres ? Et la luciole, cette couleur dans ses yeux ne pouvait pas être un hasard…


  • T’es quoi toi ? Une lampe ?
  • Nope m’sieur, une Halfeline ! Et toi t’es un vilain Orc pas beau !

Il serra les dents pour ne pas étriper la gamine. Plus il la regardait, plus cette couleur le dérangeait, elle l’appelait. Une puissance incommensurable se cachait en elle, mais comment la récupérer ?


Les Orcs n’étaient pas réputés pour leur sens de la réflexion après tout. Alors il brandit la machette qu’il tenait dans son autre main, et vint la planter dans le torse de Syllie, dont les yeux s’agrandirent de surprise, tandis que la lueur bleue dans ses yeux s’éteignait doucement.


Pas de libération de Mana, raté. L’Orc haussa les épaules et lâcha le corps inanimé en ressortant par les escaliers d’où il était arrivé. Il fallait qu’il trouve du Mana avant la tombée de la nuit, et ce n’était pas gagné. Les Nains peut-être ? Mais c’était très dangereux, les Nains étaient bien plus futés que lui et il était seul. Mais il trouverait bien un moyen, du moins il en était persuadé.


Crog avait massacré l’intégralité de la population, en posant inlassablement la même question : “où est le Mana ?”. Mais il n’avait rencontré que des opposants désireux de combattre.


Le temps défila paisiblement dans le campement dévasté. Il n’y avait plus âme qui vive. La nuit tomba, le vent se leva, et sous terre, dans le grand bâtiment de pierre, un “bip” retentit.

  • Pronostic vital : null. Régénération des cellules terminée. Etat du sujet : décédé. Injection de Mana en cours.

Syllie ouvrit les yeux. Elle était allongée sur un sol humide et froid, il fit très sombre avant que la lumière bleue ne s’active. Elle essaya de se remettre les idées en place en observant autour d’elle. Ah. Oui. Les Orcs sont vraiment des pas beaux !

  • Itinéraire actif : Montagne du Temps. Désirez-vous un café ?
  • Oh tu vas pas recommencer à dire n’importe quoi toi !

Elle se releva et s’examina à son tour. La flèche était toujours là, en haut de son champ de vision, elle réajusta son foulard, épousseta ses genoux et regarda la grille toujours ouverte. L’Halfeline était parée, elle se remit en route, elle avait perdu assez de temps comme ça, maman allait s’inquiéter.


Syllie atteignit la grille et la poussa un peu pour passer de l’autre côté. De nouveau, un long couloir souterrain dont la pierre taillée fit rapidement place à des murs de terre. Les tréteaux étaient en bien plus mauvais état que ceux de l’autre couloirs, et par endroit, la terre s’était éboulée, formant des bosses de boue séchée et tassée au sol.


Il était décidément très long ce couloirs. Mais le temps passait beaucoup plus vite en chanson, même quand on ne savait pas chanter, ou qu’on ne connaissait pas toujours les paroles… bref, le temps passait plus vite quand on faisait plein de bruits avec sa bouche !


A un moment, un dénivelé assez important se présenta. L’ascension dura plusieurs minutes sur le sol plein de mousse et très glissant.


La lueur de la lune filtrait en haut de la pente, et un amas de végétation semblait obstruer la sortie. Quand elle y arriva, elle fut accueillie par une multitude de buissons épineux. Quelle idée de mettre une sortie ici ? Comment on pouvait la trouver si l’accès était si… Oh… c’est pour pas la trouver ! Pendant qu’elle se félicitait son génie, Syllie ne regardait pas les nombreuses coupures sur son corps et ses vêtements, causées par les ronces très épaisses. Mais elle ne remarquait pas non plus que toutes les coupures et déchirures se refermaient instantanément à chaque fois dans un halo bleu très discret. Seul son foulard n’entrait pas dans le processus de régénération. Mais elle en prenait soin, du moins elle essayait.


Enfin sortie de la jungle piquante, elle se retourna et vit le village en contrebas, d’où s’élevaient une fumée épaisse et quelques flammes éparses.


  • C’est un gros feu de camp ça. Au revoir les vilains Humains. Sauf la dame blonde, elle est pas vilaine la dame blonde.

Syllie faisait un grand signe d’au revoir en direction des restes du village, quand le vent s’abatit en rafale sur elle. Par réflexe, elle blottit ses mains dans l'écharpe et eut un mouvement de frisson, mais sans les frissons.


La nuit allait être longue à marcher, mais Syllie n’était pas fatiguée de toute façon.
 

DeletedUser426

Vallons Nord de la Montagne du Temps, année 87 de l'Ère Sombre, jour 27, 07h00.

Quel dommage pour une enfant si mignonne et avec autant de coffre, que les seuls sons qu’elle puissent produire soient aussi disharmonieux…


Chantant à tue tête, Syllie gambadait littéralement au milieu des fleurs, se payant même le luxe de confectionner un bouquet pour sa mère.


Personne n’aurait su dire si c’était une bonne ou une mauvaise chose de faire autant de bruit à proximité de la Montagne du Temps. Mais une chose était sûre, c’était très efficace pour se faire repérer.


D’ailleurs, la paire d’yeux fixée sur elle depuis un moment en était la preuve parfaite. De sa cachette, l’individu attendait patiemment, en observant attentivement la petite. Il ne savait pas trop pourquoi ni comment, mais il avait l’impression de pouvoir se souvenir de cette créature sans arriver à mettre le doigt dessus. Pendant qu’il s’acharnait à se souvenir, la petite fille s’arrêta à moins de dix mètres de sa cachette. Elle mit ses mains sur ses joues et sautilla sur place en s’écriant :


  • Ouuuh ! Une jolie pierre qui brille !

Et voilà, elle se précipita sur la pierre précieuse, le sol se déroba sous ses pieds, et elle tomba dans un grand trou aux bords lisses et assez profond pour que nul ne puisse en sortir. Le coup classique quoi.


Victorieux, le Nain sortit de sa cachette en se frottant les mains. Il pencha tout de même la tête au dessus du trou avec un air soucieux. Ce n’est pas parce qu’elle chantait mal que ce n’était pas une petite fille, il regrettait un peu cette victoire facile finalement…

  • Ca va petite ? Rien de cassé ?

Syllie leva la tête, et même dans une situation comme celle-ci, afficha son plus beau sourire :


  • Non non, ça va. Je m’appelle Syllie, et toi ? T’es un Nain, t’as une grande barbe. Maman elle dit que les Nains ils ont une grande barbe parce qu’ils ont un truc à compenser. Mais je sais pas ce que ça veut dire.
  • Je lui dirais bien deux mots moi à ta mère. Marmonna-t-il dans sa barbe d’un air renfrogné, puis il reprit pour la petite. Bon, qu’est-ce que tu fais par ici ? Tu es perdue ?
  • Non, la flèche va par là. Elle tendit le doigt droit sur la montagne. Je dois retrouver ma maman ! Elle est grande comme ça. Elle montra en levant la main et se mettant sur la pointe des pieds. Elle est trop jolie et elle s’appelle Gwentarra.

Le Nain fit mine de réfléchir :

  • Hm… Jamais entendu parler. Allez, donne moi ta main.

Il s’en fallut de peu que les deux soient trop petits. Leurs mains se touchaient à peine, et lorsqu’il tira, Tayon faillit lui aussi tomber au fond du trou. Après quelques minutes passées à remettre le piège d’aplomb, le Nain sortit une nouvelle gemme de sa poche, et la balança sur la toile de végétation, comme s’il s’agissait d’un vulgaire caillou. Syllie avait depuis bien longtemps rangé la pierre dans sa poche, c’était bien trop joli pour qu’elle risque de se la faire reprendre. Le Nain reprit tout son bardas dans le buisson qui lui servait de planque et enjoignit Syllie de le suivre :

  • Viens avec moi, j’aimerais te présenter quelqu’un. C’est le roi Fagnir, tu vas voir il est très gentil, mais un peu dur de la feuille. Ah et moi c’est Tayon.

Il lui serra la main. Syllie n’avait rien contre le fait de se faire de nouveaux amis, elle n’en avait pas beaucoup, alors autant en profiter.


Les Nains étaient très endurants, leur petite taille pouvait s’apparenter à un handicap, mais pour gravir une montagne escarpée, elle leur garantissait un équilibre certain. Il faut dire aussi qu’ils étaient doués de toute façon.


Et Syllie… Syllie n’était pas très douée, mais les chutes ne lui faisaient absolument aucun mal et elle était infatigable. Tayon commença même à se demander s’il ne lui manquait pas une case finalement…


Le chemin ne dura que trois heures. Le domaine des Nains se trouvait en plein milieu de l’impressionnante montagne. Là où ils étaient, en contrebas, l’entrée de l’immense caverne faisait penser à un animal géant qui semblait vouloir dévorer le monde entier. L’Halfeline aurait été effrayée si Tayon, à quelques mètres devant elle, ne s’y était pas inséré en sifflotant, l’air serein.

  • Destination atteinte : Montagne du Temps. Désirez-vous entrer un nouvel itinéraire ?

Pas de réponse. Même si Syllie n’y connaissait rien en architecture, elle fut quand même vraiment impressionnée par ce qu’elle vit. Elle n’avait pas terminé de franchir la petite pente qui menait à l’intérieur, et déjà, elle en avait plein la vue. Des colonnes taillées de main de maître partaient du sol au plafond caverneux sur des mètres et des mètres de haut. Les fines gravures, les personnages et les paysages qui les ornaient donnaient une allure majestueuse à la grotte qui n’avait pourtant d’exceptionnel que sa taille. Au pied des dizaines de colonnes, des habitations de pierre merveilleuses, certaines sur plusieurs étages, s’étalaient sur chaque recoins disponible de la caverne.


Dans cette ville fantastique à l’ombre du monde, toutes les rues étaient éclairées. De grands lampadaires de fer prodiguaient une lumière bleue très forte, donnant un aspect magique à cette grande cité.

  • C’est beau hein ? Lui dit Tayon qui lui avait laissé le temps d’admirer le paysage. On y va, Fagnir est dans la villa tout au bout là-bas. Tu vois ?

Syllie, toujours muette de fascination, se contenta de hocher la tête, et de suivre son nouvel ami.


Dans les rues, les Nains étaient tous affairés. Seuls quelques uns d’entre eux observaient la nouvelle arrivante. Certains avaient un air interrogateur, tandis que d’autres étaient carrément choqués ! Mais aucun d’entre eux ne les interpellèrent, pour qu’ils arrivent rapidement devant le roi, il saurait quoi faire.


Les deux guerriers de petite taille postés devant les portes de la villa les arrêtèrent néanmoins, par convention.


  • Hâlte, qui va là ?
  • Tayon. J’aimerais présenter cette petite fille au roi Fagnir. Tu nous laisse passer Hoggy ?!

Vexé de ne pas être pris au sérieux dans son rôle de garde, et sous le petit rire moqueur de son collègue, ils ouvrirent les portes pour les deux visiteurs.


Le roi Fagnir trônait au milieu du grand hall de la villa. Le siège central qu’il occupait, à côté d’une table remplie de victuailles, était sur un piédestal, en contrebas duquel se trouvaient d’autres assises. Des colonnes ornaient les bords de la pièce, dessinant un long couloirs qui menait à de nombreuses autres salles. Sur son trône, le roi n’avait pas l’air de beaucoup s’amuser… Quand bien même, vu son âge, est-ce qu’il lui était encore possible de faire quoi que ce soit ?


Tayon s’arrêta à une distance raisonnable de son roi et mit ses mains en cône autour de sa bouche :

  • Mon roi, je vous amène de la compagnie. Crit-il. Elle cherche sa mère, et je pense que vous connaissez ces créatures.

Fagnir sursauta, très lentement. Il avait la rapidité d’une statue de marbre et ses yeux se voyaient à peine sous ses sourcils poivre et sel touffus. Mais étrangement, quand il remarqua enfin Syllie, ses yeux s’agrandirent enfin et il faillit en tomber de son siège.


  • Une Halfeline ?! Ca alors ! Il tendit hâtivement une main en l’agitant. Viens par là petite, viens. Il regarda Tayon, tout joyeux tel un enfant. Ah les bougres d’Halfelins, finalement ils sont malins tu vois, ils ont survécus ! Il regarda ensuite Syllie qui s’était approchée. Alors, où est-ce que vous vous cachiez pendant tout ce temps ? Tu es toute jeune, regarde toi ! Magnifique, magnifique !

L’Halfeline ne comprenait pas un traître mot de ce qu’il disait, et qui se cachait où ? Il fallait qu’elle tente de caler un maximum d’information, peut-être que le vieux Nain gentil serait content et aurait sa réponse :


  • Je suis Syllie m’sieur roi. J’étais avec maman dans la Forêt Perdue et quand je me suis réveillée, y avait un gros trou tout noir tout rond, et maman était plus là. T’as vu ma maman ? Elle est grande comme ça, elle a des grands cheveux blonds et elle s’appelle Gwentarra ! Bref, ensuite des vilains humains sauf la dame en blond ont attaché mes mains et la vilaine dame rousse m'a mis dans une cage parce qu'elle était pas contente que j'avais pas menti et qu'elle aimait pas perdre, mais la cage a explosé, un tout moche pas content est venu dans le village et quand je suis partie, ils faisaient un grand feu de joie, ensuite j'ai trouvé une jolie pierre bleue et maintenant je suis ici.

Fagnir perdit immédiatement son sourire. Un flot de souvenirs centenaires ressurgirent. Durant cette fameuse nuit qui signa le déclin de la Grande Guerre, la nuit où le destin d’Elvenar avait basculé, la nuit où le grand portail était apparu… La nuit où Raeynd perdit la vie une bonne fois pour toute. La petite était d’une sincérité déconcertante. Se pouvait-il qu’elle habitait vraiment dans la petite cabane qui avait miraculeusement survécu à l’impact ? Et si c’était le cas, comment se pouvait-il qu’après cent ans elle soit encore une fillette ?


Tout ceci n’était pas net. Les phénomènes magiques étaient loin d’être rares à l’époque, mais on ne prêtait la vie éternelle qu’aux Elfes Sylvains, bien qu’en vérité, ils avaient simplement une espérance de vie hors du commun grâce au Mana qui coulait dans leurs veines. Il fallait à tout prix qu’il en apprenne plus. D’un air grave, lui rendant toute sa majesté d’antan, il interpella son sujet :


  • Tayon, rends-toi immédiatement au Cratère avec ton équipe. Vérifiez-en l’état, cherchez le Mana et fouillez les lieux. S’il y a encore des humains sur place, interrogez-les, non, interrogez quiconque vous verrez là bas. Vous avez carte blanche quant à la façon de le faire. Mais restez prudent.

Le Nain était surpris par la demande, cela faisait des décennies qu’aucun d’entre eux n’avait été envoyé au Cratère. Mais à l’urgence dans la voix de son dirigeant, il se douta que quelque chose avait dû se produire. Il s’inclina et partit à toutes jambes vers la sortie. Puis le roi s’adressa à son hôte d’une douce voix :


  • Nous deux, on va parler un peu.

Un sourire affectueux se dessina au travers de sa barbe en bataille. Il ouvrit ses bras vers Syllie en l’invitant à s’asseoir près de lui, ce qu’elle fit volontiers, parce qu’elle adorait parler. Quand elle fut installée, Fagnir repris :


  • Est-ce que tu sais ce qui est arrivé à ton peuple petite ?
  • Ca oui m’sieur, maman m’a raconté que quand elle était petite, elle et papa sont partis de la Vallée des Printemps à cause du vilain Sorcier. Et après il y a eu des Dragons, et maman a eu peur, alors elle est partie avec moi, et papa il s’est perdu, comme tous les autres. Elle eut un regard triste. Mais maman dit qu’on les reverra jamais, parce qu’ils sont tous partis très très loin, dans le monde de l’Au Delà, je sais pas où c’est, c’est même pas sur ma carte. Tu sais où c’est toi ?
  • Hm, oui, c’est… C’est vraiment très loin, mais ils sont tous heureux là-bas, j’en suis sûr.
Mentir à une gamine, bien joué Fagnir. Il avait un sourire figé et gêné.


  • Oh ! Moi aussi je peux y aller ? Dit-elle, des étoiles plein les yeux. Tu crois que maman est là bas ?
  • Heu, je… Empêtré dans son vilain mensonge et très mal à l’aise, il changea de sujet. Peut-être bien… Alors dis moi, c’était quelle date, la dernière fois que tu l’as vue ?
  • Heu… Syllie regarda ses doigts, un peu perdue avec ces histoires de dates. Bah… en cent vingt-quat… Non ! Cent quarante… Je sais pu. Avant-hier quoi !

Elle avait l’air dépité. Ce n’était pourtant pas faute que sa mère lui répétait tout le temps la date du jour le matin !

  • Cent quarante-sept ?

Le visage de Syllie s’illumina de joie ! Il était vraiment fort le vieux monsieur !


  • Ouiii ! Oui c’est ça ! Le jour vingt-quatre de l’année cent quarante-sept !
  • Oh mes Dieux...

Oui, c’était exactement ce jour. La fillette avait dormi cent ans dans le Grand Cratère de Mana.


Ils continuèrent de parler ainsi des heures durant, Fagnir voulait absolument tous les détails de cette fameuse nuit. Et il les eut, un peu confus et décousus, mais il réussit à recoller les morceaux au fur et à mesure.


Ils se baladèrent à travers la ville toute la fin de matinée et le début d’après midi, visitant les monuments que Syllie trouvait ennuyeux, et Fagnir répondant aux questions qu’il trouvait parfois agaçantes.


Ils rentrèrent à la Villa parce que Syllie voulait jouer à un, deux, trois, soleil. Quel jeu fantastique ! Quelques enfants de domestiques séjournaient dans la grande demeure pendant le service de leurs parents, quelle chance pour l’Halfeline : de nouveaux amis, et de son âge en plus ! Il y avait Pyta, très petite, enfin plus petite que les autres, un peu rondelette et très timide. Et aussi Kerlo, très musclé pour son âge, qui voulait tout le temps se bagarrer pour de faux. Et enfin Vyrel, qui avait les cheveux tellement roux qu’on aurait dit qu’il était constamment en flamme, mais il était très gentil.


Pensant à sa propre enfance, le roi s’amusait beaucoup à les observer depuis sa place. Il n’avait plus l’énergie d’antan, mais les voir ainsi le faisait rajeunir. Son regard se perdit sur Syllie, il cherchait toujours une explication rationnelle à son cas, sans s’arrêter sur aucune d’entre elles, qui lui paraissaient toutes vraiment extravagantes.


Si la cape, la petite poupée - qui lui provoquait une sueur froide chaque fois qu’il y pensait - et la concentration de tous les objets chargés en Mana avaient reçus une décharge titanesque de l’énergie pure du Sorcier, il y avait une probabilité infime que le cocktail ait réagi de manière inattendue.


Tayon ressurgit dans la grande salle, le tirant de ses pensées, suivi de quatre autres Nains, son équipe de reconnaissance était de retour.

  • Mon roi, il n’y a plus une trace de Mana au Cratère, plus un seul Humain non plus, et on a trouvé celui-ci qui a essayé de nous attaquer.

Les deux gardes à l’entrée amenèrent un Orc à l’intérieur, il était ficelé comme un saucisson et bâillonné. Son oeil valide brûlant d’une très grande colère. La haine fit rapidement place à la surprise cependant, quand il aperçut l’Halfeline, démesurément grande par rapport à ses camarades de jeu, son oeil s’exorbita et il se mit à gigoter en tout sens en produisant des sons confus derrière l’étoffe qui lui bloquait la parole. Le roi sembla amusé et dans un rire il ordonna qu’on lui enlève le bâillon. Dès qu’il le put, Crog s’époumona :

  • Toi ?! Dit-il en regardant Syllie qui se retourna, interloquée par ce puissant cri. Mais je t’ai tuée, qu’est-ce que t’es, un fantôme ?

Voilà qui devenait compliqué pensa alors le roi. Si la mort ne pouvait pas l’emporter… Était-elle… Déjà morte ? Le Mana avait-il vraiment le pouvoir de mouvoir ce petit corps ? Il est vrai q’une telle concentration de Mana aurait tué quiconque, la preuve, même Raeynd n’y avait pas survécu. Peut-être qu’elle était vraiment un fantôme, une enveloppe pleine des souvenirs de Syllie, condamnée à errer dans ce monde pour l'éternité. Cette idée était vraiment déprimante pour le roi.


L’équipe de reconnaissance ne comprenait pas bien, comment ça “tuée” ? Elle était pourtant bien là en chair et en os, devant eux. Les Orcs n’étaient pas bien malins certes, mais celui-ci délirait carrément. Une petite semaine en cellule ne lui ferait pas de mal.


Ce moment de silence lourd fut interrompu par Tayon :

  • On a essayé de l’interroger, mais il a préféré insulter nos ancêtres plutôt que de nous répondre, alors on s’est dit qu’un petit élixir de vérité lui dénouerait la langue. Il regarda l’Orc. Hein ? Qu’est-ce que t’en penses ?
  • Espèce de Nain puant ! Fils de-

Il fut de nouveau bâillonné et emmené en cellule dans un bâtiment excentré de la ville.


Fagnir ordonna qu’une fête ait lieu le soir même, donc d’ici à peine quelques heures, ce qui mit toute la villa, puis la ville, en effervescence. Au moins il aurait le temps de réfléchir à une solution d’ici là.


Crog fut négligemment jeté au trou, assez négligemment et précipitamment pour que sa cellule ne soit pas vraiment adaptée à son gabarit et à sa force. Il lui fallut tout de même deux heures avant de s’en rendre compte, et de briser ses barreaux à mains nues. Les Nains étaient de très bons bâtisseurs, soucieux, sérieux… Mais honnêtement, ces temps-ci, plus personne n’avait besoin de geôle. Celles-ci étaient aussi vieilles que la ville elle-même, pas entretenues, les barreaux étaient rouillés, les portes avaient du mal à s’ouvrir et grinçaient à réveiller un sourd. Et pourtant, il fallut bien deux heures à l’Orc pour assembler les pièces de ce puzzle dans sa tête, et prendre la poudre d’Elfelette. Sa chance résidait dans le fait que la garde était plus habituée à jouer aux dés, en buvant de l’hydromel, qu’à surveiller la prison habituellement déserte. D’autant qu’avec la fête qui se préparait, tout le monde se trouvait au centre ville à l’heure qu’il était.


Il aurait pu faire un carnage en ville, surtout qu’il récupéra ses armes. Mais même s’il avait tué quelques uns de ces rats, il savait que ses chances de survie étaient minimes au final. “Abrutis de Nains” se dit-il pour lui même en rasant les murs.


Syllie resta collée à Fagnir tout le reste de la soirée, il lui avait même trouvé quelques jouets en bois pour l’occuper après le départ de ses petits camarades. Des tonnes de Nains très sérieux défilèrent pour demander des tas de choses au roi. Principalement des choses sur le Mana et des histoires de fourrage dans la montagne… Ou folle rage ? Foirage ? Bref, il y avait apparemment des gros trous dans les cailloux et du Mana pour construire des trucs. Il y en a même un qui avait regardé Syllie bizarrement avec un appareil tout moche, mais le roi l’avait vite défendue… Encore une histoire de Mana, elle ne savait pas trop ce que ça avait à voir avec elle, mais bon.


La petite commençait à s’ennuyer sec quand le soir arriva. Même si les Nains buvaient des boissons qui puent et parlaient très fort, Syllie pensait à sa mère, qui n’était décidément pas là.


Fagnir l’avait bien compris, sa mine déconfite et son regard bas la faisait ressembler à un pauvre petit chiot abandonné. Mais que pouvait-il faire ? Sa mère n’avait sûrement pas survécu à l’incident d’antan, et il ne savait pas comment elle réagirait à cette nouvelle. S'il essayait de lui expliquer la situation, il ne savait pas bien ce qui se produirait. Elle était persuadée d’avoir vu sa mère pour la dernière il y avait quelques jours à peine. Et si le Mana réagissait à ses émotions ? Qu’adviendrait-il d’eux ? Tant de questions et si peu de réponses...

  • Hé, petite. Le roi s’était penché sur Syllie, elle le regarda de ses grands yeux tristes. Je pense savoir qui pourrait t’aider à… hm, à retrouver ta mère.

Ni une ni deux, la frimousse retrouva toute sa joie d’enfant, et sans pouvoir contenir le bonheur que cela lui procura, elle se jeta au cou du Nain qui la serra à son tour dans ses bras. Il eut du mal à décrocher la sangsue calineuse, pour la regarder dans les yeux :

  • Bon, tu sais la carte dont tu m’as parlé, la carte de la poupée ? Elle hocha la tête. Eh bien tu vas lui demander le chemin pour aller dans la Forêt Sylvestre d’accord ?

Syllie était très concentrée sur ce que Fagnir lui disait, elle réussit même à faire abstraction des cris et des rires autour d’eux. Seul la lueur bleutée des lampadaires, et le regard vert profond du nain subsistaient. Partir dans la Forêt Sylvestre, trouver les Elfes, leur montrer la poupée, et retenir la date cent quarante-sept jour vingt-quatre.


C’était super dur ! Mais si c’était pour retrouver maman, elle le ferait ! Le roi ébouriffa les mèches blanches entre les cornes de Syllie, et ce fut comme si le temps avait repris son cours. Les rires, la musique et les bruits de choppes qui s’entrechoquent.


Revigorée par la bonne nouvelle, Syllie voulut se mettre immédiatement en route. Elle ne dormait pas, ne mangeait pas… Elle ne respirait pas ? Enfin, le roi ne trouva aucune raison de l’en empêcher.


Il la raccompagna tout de même à l’entrée de la caverne, où il lui fit ses adieux. Et quand elle disparut dans la nuit, il murmura, sincère :


  • Je te souhaite bonne chance, petit fantôme.

Rivière Perdue, année 87 de l'Ère Sombre, jour 28, 09h00.



Chouette, Syllie allait pouvoir se laver ! Elle s’en fichait d’être propre pour tout vous dire, elle, ce qu’elle aimait, c’était jouer dans l’eau. Le lit de la rivière était particulièrement calme à cet endroit, et le courant était quasi inexistant. Elle sauta dans ce bain géant en riant toute seule. Ca la rassurait de ne plus être dans la montagne, il y avait des bruits trop bizarres. Même si les animaux ne l’avaient pas approchée, trop apeurés qu’ils étaient du halo de lumière qu’elle dégageait, les bruits étranges de la nuit ne l’avaient jamais mise en confiance. Rien que lorsque le soleil avait fait poindre ses premiers rayons, en quittant les hauteurs, elle avait été ravie. Bon, si elle y regardait à deux fois, elle se serait aperçue que son itinéraire la dirigeait en plein sur la Montagne Garsock. Et si elle savait ce qu’il y avait là-bas, elle y réfléchirait à deux fois avant d’y aller.


Elle avait bien barboté maintenant, et elle se calma rapidement, l’eau passait doucement sur ses mollets, et le sable fin recouvrit peu à peu ses doigts de pieds nus qu’elle regardait, comme ensorcelée par le liquide miroitant. Quand son regard se décrocha enfin de ses pieds, ce fut son reflet qui l’interpella. En effet, ses courts cheveux châtains étaient devenus blancs. Un blanc étincelant aux nuances très discrètes de bleu. Ses cornes étaient également teintées d’un léger bleu, et surtout, ses yeux. Ses yeux verts profonds avaient fait place à un bleu éteint, fade et livide. Elle n’en crut pas ses yeux au premier abord, mais rapidement, elle passa ses doigts dans sa chevelure, puis sur son visage. C’était bien elle. Paniquée, elle commença à suffoquer, puis à pleurer.

  • Maman me reconnaitra jamaiiiis ! Je suis pas belle ! Je…

Elle s’arrêta net, puis réfléchit un instant. Pourquoi sa mère ne la reconnaîtrait-elle pas ? C’était vraiment stupide ! Et puis bon, c’était pas non plus si catastrophique, le foulard de Gwen lui donnait des couleurs.


Sa petite crise passée, elle se remit en route, finissant de traverser la rivière à la nage. A peine arrivée de l’autre côté, une voix grave l’accueillit :

  • Encore toi ? Vas-t-en !

A quelques pas d’elle, à demi caché dans la végétation haute et fournie, Corg la fixait, son expression à mi chemin entre la peur et la gêne était indéchiffrable. Il remit rapidement son pantalon qui séchait à côté de lui. Maintenant, il n’avait plus qu’une expression apeurée.

  • Pourquoi tu me suis ? Je suis désolé de t’avoir tué, pardonne-moi, repose en paix et vas-t-en sale fantôme !

Voir un Orc ce cette envergure supplier en criant comme une petite fille était un spectacle qui en aurait enjoué plus d’un. Pour Syllie en revanche, le tout était juste de savoir s’il s’adressait bien à elle. A sa mine détachée, son manque de réaction et sa frimousse d’ange, Crog hésita. Elle n’avait pas vraiment l’air de vouloir le tuer, elle n’avait pas l’air de grand chose d’ailleurs avec son look de grand-mère et ses guenilles.


Il se ressaisit, et fit mine qu’il ne s’était rien passé, se redressant de toute son imposante stature :

  • Qu’est-ce que tu veux gamine ? Si t’as pas de Mana, tu peux passer ton chemin.

Hm… Du Mana, elle devait bien avoir un objet magique dans ses poches qui en contenait un peu. Elle fourra ses mains dans le pantalon en friche, et n’y trouva qu’une statuette ridiculement petite et laide, ça ferait l’affaire.


  • Tiens, tu veux être mon ami ? Tu sais si c’est loin la Forêt Sylvestre ?

Il avait arraché la petite pierre taillée des mains de Syllie le plus rapidement possible, au cas ou, et tiqua à l’évocation de la forêt. Ce n’était qu’à un jour de marche d’ici, mais il fallait traverser l’habitat de ces andouilles de Gobelins, et ensuite il ne fallait pas s’y perdre, dans cette forêt. On disait que des charmes empêchaient quiconque d’en ressortir, et que si l’on y parvenait par miracle, c’est que les Elfes Sylvestres étaient vos amis, mais des amis pas terribles qui vous effaçaient tout de même la mémoire.


Très peu pour lui en tout cas, il avait obtenu à peine une lichette de Mana, il n’allait pas se coltiner la revenante pour autant.


Alors même qu’il songeait à envoyer paître l’Halfeline, un cri de bête déchainée retentit, accompagné d’un ours gigantesque qui fonça droit sur eux.


C’est alors qu’un curieux objet de bois se glissa hors de la ceinture de l’Orc, lévitant une fraction de seconde au dessus de la bête, avant de fondre sur elle. Un coup sec des trois lames vint sectionner la trachée sur une rotation complète de l’arme. Les cervicales, plus dures à atteindre mais moins défendables furent les suivantes, et enfin les yeux furent transpercés comme du beurre.


C’était assez horrible à voir... et à supporter.


Quand l’arme vint se remettre tranquillement à sa place, l’ours s’effondra dans un bruit lourd et il y eut un silence pesant. Quand soudain, Syllie fronça les sourcils :


  • Hé mais c’est le boom-truc de maman ça ! Rends-le moi !

La scène qui s’ensuivit releva plus du ridicule qu’autre chose. Telle une souris édentée attaquant un chat sauvage, Syllie se jeta sur le mur de muscles, qui se contenta de la regarder, une main sur le boomerang à sa ceinture.


Mais c’est qu’elle commençait à vraiment s'énerver la souris. Elle arrêta ses attaques vaines, et frappa du pied, tête basse. Elle allait pas le charger avec ses petites cornes quand même ? Non, au lieu de ça, elle releva la tête et planta un regard hors du commun dans celui de l’Orc que la peur revint subitement habiter.


Des flammes bleues semblaient s’échapper des pupilles de l’Halfeline. Bientôt on ne distingua même plus la forme de son visage. Même ses cheveux et ses cornes se chargèrent de Mana. Une aura maléfique flottait autour d’elle. Et d’une voix d'outre tombe absolument terrifiante, elle asséna :


  • TOUT. Tout ce qui appartient à ma mère, lui sera rendu. Donne-le moi immédiatement ou meurs.

Syllie n’avait plus rien d’une petite fille, elle ressemblait vraiment à un monstre. C’était une vraie bombe à retardement, plus le temps passait plus le compte à rebours s’égrenait, les menant à leur perte à tous.


Pour ne pas changer, l’Orc ne réfléchit pas. Il déposa l’arme aux pieds de Syllie en ne sachant pas si elle était un démon ou une déesse, mais il la craignait très clairement. Dès que l’objet de la discorde se trouva posé devant elle, la créature de Mana au regard dément commença à perdre de sa splendide. L’énergie bleue la quitta progressivement, comme si elle se rendormait en elle, comme la mer qui redevient calme après une tempête.


Et c’est finalement comme s’il ne s’était absolument rien passé que Syllie se para de son habituel sourire enjôleur, ramassa l’arme et la rangea dans sa propre ceinture.


  • Merci monsieur Orc.

Elle pivota pour se recaler sur la flèche directrice et se remit en marche vers le sud, vers la Montagne de Garsock.


Piteusement, l’Orc se mit en route quelques mètres derrière elle, la suivant, comme hypnotisé par sa puissance, et surtout par l’incommensurable quantité de Mana dont elle était imprégnée.
 

DeletedUser426

Abords de la Montagne Garsock, année 87 de l'Ère Sombre, jour 28, 18h10.


Le décor avait changé du tout au tout. Syllie n’était pas très rassurée, et Crog ne voulait même pas marcher à côté d’elle, il devait faire la tête parce qu’elle lui avait repris le boom-machin, mais zut, c’était celui de maman après tout. On ne pouvait décemment pas dire du mal de sa mère, ni la dénigrer, et on ne pouvait pas la voler non plus ! Quand l’une de ces choses arrivait, ça la mettait en boule, elle pouvait même se mettre en colère si ça arrivait !


La verdure avait totalement disparue, faisant place à un sol volcanique aux roches acérées et sombres. Le chemin qu’ils avaient emprunté était bordé de falaises abruptes, aux multiples fissures impénétrables, à cause du crépuscule approchant. Ce goulot de quelques mètres de large paraissait étouffant, et ne disait rien qui vaille à Syllie, qui déglutit lourdement, en se disant qu’il était trop tard pour reculer. Chaque pas résonnait, produisant un son assourdissant par rapport au silence ambiant.


Plus la lumière déclinait, plus cette impression dérangeante d’ombres mouvantes s’installait. La petite sursautait occasionnellement, lorsqu’un petit caillou dévalait les falaises sans raison, ou que le vent s’engouffrait malicieusement entre les roches, chantant sa souffrance dans des cris lugubres.


Très vite, les derniers rayons de soleil moururent complètement. L’habituelle lumière bleue fit son apparition. Les ombres faisaient à présent bien plus peur, se matérialisant ou s’évaporant au rythme des mouvements de l’Halfeline.


Elle se sentait observée.


Derrière elle, Crog avait disparu.


Ok, il fallait rester calme, respirer profondément, et chasser les mauvaises pensées. Mais oui ! Il fallait chanter ! Elle continua gaiement en chanson, mais la sensation de malaise ne disparaissait pas. Que pouvait-elle faire ?


  • Poupée, t’es là ? On est bientôt arrivées ?
  • Destination : Forêt Sylvestre. Temps estimé : trois heures. Niveau de menace : élevé. Défense ou fuite conseillées. Luminosité très faible. Réajustement.

La puissance de la lumière projetée par les yeux de Syllie décupla subitement, révélant une ribambelle de créatures infâmes partout autour d’elle. Sous la soudaine luminosité, ils rampèrent tous vers les fissures environnantes, tels des cafards se cachant à la moindre perturbation.


Là, elle pouvait paniquer. Syllie se mit à courir à toutes jambes, ralentie par ses nombreuses chutes, au final elle n’avançait pas beaucoup plus vite que lorsqu’elle marchait.


Le vent s’intensifiait, sifflant sa rage. Les Gobelins grouillaient toujours autour d’elle, inexorablement attirés par cette douce lueur de Mana, attendant le moment propice pour attaquer. Une main fine et crochue attrapa sa cheville, puis une autre, elle tomba. Il y avait des centaines de petites créatures affreuses, les visages déformés par la folie n’avaient plus rien de civilisé et leurs yeux trahissaient leur soif de tuer.


Recouverte de ses assaillants, griffant, machonnant et taillant sa chair, l’Halfeline hurla à l’aide dans un dernier souffle.


Sa protectrice, AEYA, enclencha son système de survie, car bien que sa propriétaire ne fut plus en vie, elle n’était pas réglée pour ignorer ce genre de signal de détresse.


Un grand flash bleu émana du corps de Syllie, la lumière filtra en raies inégaux au travers de tous les corps entassés sur la jeune fille, et rapidement, tous les Gobelins furent expulsés alentours, inertes pour la plupart, n’ayant pas résistés à la décharge de pur Mana. Les autres fuirent de terreur.


Le corps déchiré et meurtris de l’enfant ne bougeait plus, le dôme de Mana autour d’elle resta actif, brûlant et creusant le sol autour d’elle. Seul le petit être en son centre était épargné, trop blessé pour se relever.


  • Barrière active. Erreur Système. Redémarrage en cours. Cette opération peut prendre un moment.

La pluie commença à tomber en fines gouttes, charriées au gré du vent. La nuit passa, cachée derrière les nuages, et Syllie ne bougeait toujours pas…



Montagne Garsock, année 87 de l'Ère Sombre, jour 29, 07h30.

  • Redemarrage complet terminé. Pronostic vital : null. Régénération des cellules terminée. Etat du sujet : décédé. Injection de Mana en cours.

Quand Syllie ouvrit les yeux, Crog la regardait, assis à quelques pas du dôme mortel. Il mangeait de la viande séchée en observant la petite survivante, son oeil était marqué, comme s’il l’avait attendue toute la nuit.


S’il subsistait encore un doute sur ce qui avait été à l’origine du Grand Cratère, même un Orc peu malin comme lui avait fait le rapprochement. Le sol était enfoncé de la même manière, abîmé de la même manière, et l’épicentre était intact, tout comme au Cratère. A la seule différence près qu’il était vingt fois plus petit.

  • Bien dormi petit fantôme ?

Syllie se frotta les yeux sans répondre. Elle était sonnée, et TX-0… peu importe, était en train de dire tout plein de choses qu’elle ne comprenait pas. Mais enfin sa tirade s’acheva dans un :

  • ...de Mana detecté. Récupération en cours. Récupération terminée.

Le dôme disparut, rendant de nouveau la zone accessible, mais en emportant le bien le plus précieux d’Elvenar avec lui.


Il n’allait pas le lui dire évidemment, mais ce bougre d’Orc avait essayé par tous les moyens de récupérer ne serait-ce qu’une infime partie de cette puissance concentrée. Il n’y était pas parvenu, et s’était résigné à attendre, pour voir ce qui allait se passer.


Dans sa tête, le plan était très simple : les Gobelins tuent la fille, les Gobelins récupèrent le Mana, l’Orc tue les Gobelins, l’Orc récupère le Mana. Ca ne s’était pas passé comme prévu. Les créatures qui autrefois avaient été les alliés, ou plutôt les cobayes des Orcs n’étaient plus ce qu’elles étaient. Il paraît qu’au début de la Grande Guerre, les champignons qu’ils amassaient comme leur bien le plus précieux se raréfièrent, jusqu’à disparaître totalement, on dit que c’est ce qui les a rendus fous.


Ivres de rage, il devinrent des monstres chassant en meute, sans état d’âme, ou sans âme tout court, faisant de cette Montagne l’une des plus dangereuse du continent.


Pourquoi étaient-ils attirés par le Mana, sûrement pour la même raison que toutes les autres races, parce qu’ils étaient attiré par lui, comme une mouche par du miel.


Syllie avait réussi à s’asseoir sur le petit ilôt encore intact qui avait entouré son corps. Vaseuse, elle ne regarda pas vraiment autour d’elle, en se frottant encore les yeux :

  • Qu’est-ce qui s’est passé ?
  • Tu t’es fait tuer par les Gobelins.

Tuée ? Voilà qu’il recommençait. Ca devenait agaçant à la longue. Elle se releva finalement, et remarqua le large cercle au sol.


A ce moment, elle ne fit pas très sûre de comprendre, mais quelque chose en elle la fit souffrir pour une raison qu’elle ignorait. Elle était très confuse, sans savoir pourquoi.


Mais elle n’avait pas le temps pour ça. La flèche était toujours bel et bien là, et il fallait trouver les Elfes, pour qu’il l’aide à retrouver m’man.


Tous deux se remirent en route, Crog marchait enfin à ses côtés, et elle n’avait plus peur des Gobelins. Pourquoi ? Parce que maintenant c’était eux qui avaient le plus peur. Ils détalaient à l’approche des deux marcheurs comme des chiots effrayés.


Plus l’Orc réfléchissait dans son coin, moins il arrivait à trouver un nouveau plan. Une fois que la petite entrerait dans la Forêt Sylvestre, il avait très peu de chance de la revoir. Mais si il parvenait à la faire partir vers l’est, il pourrait la ramener avec lui dans son village, en trophée de son épopée pas si héroïque que ça… Peut-être qu’avec un peu de chance il serait surnommé “le Guerrier Babysitter”. Non, en colère, le petit fantôme était effrayant, il fallait qu’il la ramène.


Après quatre heures de marche, le duo quitta enfin le coeur de la montagne, et entama une descente plus douce, à travers les nombreux plateaux. La végétation refaisait petit à petit son apparition et au loin, la plus grande forêt du continent Elvenarien s’offrait à leur vue. Oui, elle touchait enfin au but, elle allait retrouver sa maman.


Le gros balourd réfléchissait toujours, lui. Il fallait qu’il gagne du temps, mais comment ? Soudain, sous la pression, il craqua :

  • Stop ! Faut que.. J’aille pisser !

Génial, il allait gagner beaucoup de temps avec ça… Bon, quitte à faire une pause, autant pisser pour de vrai.


Syllie s’arrêta et trouva un petit carré d’herbe pour s’asseoir confortablement, le soleil était revenu, et le vent plus doux chassait les quelques nuages persistants encore dans le ciel. Oh, celui-ci ressemblait à un chat ! Et celui-ci à une maison ! Elle allait avoir de quoi s’occuper.


Crog s’éloigna le plus possible, parce que oui, les Orcs aussi avaient de la pudeur. Une petite faille dans la roche, assez large pour y pénétrer, menait dans une grotte. Cet endroit ferait l’affaire, à l’abri des loups et autres bêtes de la montagne. Uriner n’était pas une position de combat très pratique, même pour un guerrier.


Debout face au mur de roche sombre, il arrosa gaiement la pierre en sifflotant. Un bruit. Rien d’alarmant dans une grotte. Puis un petit rire sournois.


Une main toujours occupée à tenir le tuyau, il tourna la tête. Des petits yeux brillants le fixaient. Oh non.


A peine eut-il le temps de mettre son autre main au manche de sa machette, qu’il comprit qu’il n’aurait pas le temps de la dégainer. La nuée de Gobelins se rua sur lui tels des vautours sur un cadavre, arrachant sa chair goulument, ne lui permettant qu’un râle d’agonie étouffé par les bruits d’os brisés et les muscles déchiquetés.


Quelle fin douteuse pour un Orc.


A une centaine de mètres de là, Syllie jouait toujours à deviner les formes des nuages. Elle finit tout de même par se demander combien de litres pouvait évacuer un Orc aussi grand que Crog, mais ça la fit rougir de honte de penser à du pipi d’Orc. Elle mit ses mains devant sa bouche pour ne pas éclater de rire et… Oh un joli papillon !


Chouette, maman adorait les papillons. Est-ce qu’elle pouvait en apprivoiser un ? Ca valait le coup d’essayer. Et elle commença à suivre le lépidoptère, qui par chance, se dirigeait en contrebas, droit sur la forêt.


Saviez-vous que Syllie était très facilement distraite ?


Après avoir dévalé les pentes douces à l’herbe de plus en haute et grasse, elle eut des remords. Elle avait oublié quelque chose. Oups, Crog devait la chercher partout. Mince. Syllie se retourna et observa la route parcourue jusqu’ici. Elle n’allait pas refaire tout ce chemin dans l’autre sens, et puis il était très long à revenir, c’était sa faute, un peu. Il finirait bien par la rejoindre après tout. Bien vite, elle haussa les épaules et repartit en chantonnant sous le beau soleil estival, caressée par les hautes hautes herbes, à la poursuite du grand Monarque aux magnifiques ailes orangées.


C’était amusant pour elle de constater que le papillon allait dans la même direction qu’elle. Peut-être qu’il la guidait, ou peut-être pas. A la lisière de la forêt aux arbres millénaires, il changea de direction, comme pour éviter de pénétrer dans le bois.


Tant pis, elle trouverait bien un autre papillon, un rose, c’était joli le rose.


Toujours soucieuse de suivre son itinéraire au centimètre près, Syllie s'engouffra dans le sous bois et disparut derrière les arbres.


L’air devint plus humide au bout de quelques minutes. De la mousse recouvrait absolument tout dans ce décor enchanteur. Des petits cours d’eau s’écoulaient au fil des grandes racines en produisant un son cristallin. Les rayons de soleil qui parvennaient à s’infiltrer à travers l’épais feuillage des arbres inondaient le paysage de paillettes dorées.


Bien qu’enchanteur, cette forêt était tout même étrange. Aucun bruit d’oiseaux, ni d’aucun animal rencontré habituellement dans ce genre de lieu. Un calme impérial régnait, même Syllie avait arrêté de chanter, c’est dire.


Tout se passait cependant bien pour la petite qui progressait entre les arbres gigantesques. Certains troncs avaient la circonférence d’une, voire plusieurs maisons, et montaient si haut qu’ils devaient toucher les nuages.


Quand elle dû contourner un arbre, l’obligeant à changer brièvement de direction, elle remarqua que la flèche n’avait pas bougée. Et d’ailleurs, poupée ne lui avait même pas dit qu’elle était arrivée. Ce n’était pas la bonne forêt peut-être ? Pour être sûre, elle fit un tour sur elle même, aucune réaction de la part de la navigation. Étrange. Elle n’avait qu’à continuer tout droit, peut-être que poupée faisait une sieste pour l’instant. Il faisait encore jour, c’était une balade agréable.


Syllie tourna en rond la plupart du temps, mais elle progressa d’une certaine manière, s’enfonçant progressivement au coeur de la forêt magique.


Alors qu’elle perdait tout espoir, la flèche holographique se mit à grésiller avant de disparaître. Syllie allait protester, mais la poupée commença son blabla habituel :


  • Desti...on attein… Forte concentr...on d... Mana. Récu...ation en cou-

Dans un sifflement très fort, un flèche, une vraie, vint se ficher entre les omoplates de l’Halfeline, qui fut propulsée au sol quelques centimètres plus loin, sous l’effet de la vitesse du projectile.

  • Err...r Syst… Redé...age en c...rs. Cette opé… peut pren… moment.

Coeur de la Forêt Sylvestre, année 87 de l'Ère Sombre, jour 30, 03h00.

  • Pronostic vital : null. Régénération des cellules terminée. Etat du sujet : décédé. Injection de Mana en cours. Modifica tions détectées. Mise à jour.
  • Elle se réveille. Va chercher Fayward.
Quand Syllie ouvrit les yeux, une grande dame bleue et jolie la regardait. Elle était couchée dans un lit douillet, à l’intérieur d’une pièce, dont les murs semblaient être faits de feuilles, retenues par de grandes armatures de bois. Le tout était ouvragé et de forme complexe malgré la simplicité des matériaux. Il n’y avait aucune fenêtre, mais dehors, elle voyait danser des lumières de diverses couleurs et intensités à travers les fins végétaux.


La grande dame était assise sur le bord du lit et avait un regard bienveillant. De la voix la plus cristalline et enchanteresse que Syllie n’ait jamais entendu, l’Elfe lui dit :


  • Tu es une petite Halfeline bien fascinante. Et tu as fait un très long voyage pour nous trouver à ce que j’ai vu. Elle passa une main sur le front de Syllie. Tu as des désirs si puissants et sincères, c’est magnifique.

Quoi ?! Là c’était carrément incompréhensible pour l’Halfeline, est-ce que la dame lui parlait vraiment à elle ? Elle n’eut pas le temps de le lui demander, car la grande bleue se leva et alla saluer une autre dame à l’entrée de la chambre toute verte. La nouvelle arrivante prit la place de l’autre Elfe qui s’en alla. Son expression était tout autant bienveillante :


  • Bonjour mademoiselle. Je m’appelle Fayward, et tu as trouvé les Elfes avec brio. Nous sommes vraiment confus de t’avoir abordé… de manière peu conventionnelle. Elle se racla élégamment la gorge, avec une main devant la bouche. Mais tout est rentré dans l’ordre, ton TX-06 a été réparé et nous so-

  • Où est ma maman ?

Sa voix était faible, ses yeux suppliants, son mental ébranlé… Syllie était à bout et elle ne comprenait vraiment pas la situation. Elle était fatiguée de ne pas savoir, fatiguée de ne pas comprendre, fatiguée d’être seule dans ce monde hostile… Elle voulait sa maman, c’était tout, absolument tout ce qu’elle voulait.


Fayward resta muette. Elle ne savait pas quoi lui répondre.


Son beau sourire se fada et son regard perdit en intensité, elle croisa ses mains sur ses genoux :


  • Je comprends. Il faut que je t’explique quelque chose, tu promets de bien m’écouter... ? Quel est ton nom ?
  • Syllie madame. Répondit-elle avec cette même expression abattue. Promis j’écoute, mais après on va voir maman.

Fayward passa délicatement ses doigts sur le front de l’Halfeline, chassant une mèche blanche, puis elle afficha de nouveau un sourire maternel.

  • Tu sais, la petite poupée que tu as dans le cou ? Ma fille avait la même, et c’est moi qui lui ai fabriquée. C’est un objet enchanté avec du Mana, que les Elfes ont inventé il y a très très longtemps pour protéger les enfants, comme toi par exemple. Elle est très intelligente, et elle répond à tous tes besoins, elle calcule ton pouls, ta tension, ta température corporelle...

Vu la manière dont Syllie avait penché la tête, et levé un sourcil, Fayward comprit que ses explications devenaient un peu trop techniques, alors elle essaya de trouver des mots plus simples :


  • Disons qu’elle regarde si tu es en bonne santé, et si ce n’est pas le cas, elle te le dis et t’aide à aller mieux. Elle peut aussi te guider comme tu l’as vu, te renseigner sur ce qui t’entoure, ou même t’expliquer des mots compliqués.
  • Mais elle dit que des mots compliqués…

Syllie fit la moue, elle n’avait jamais compris un traître mot de ce que lui disait AEYA. L’Elfe eut un petit rire discret, et reprit :

  • Normalement, les TX-06 sont programmées pour subvenir au désir le plus cher de son créateur, et de son possesseur. L’elfe qui a enchanté AEYA voulait très très fort que son enfant survive, mais, la vie prend parfois un chemin inattendu…

Les yeux assombris par la tristesse, et les souvenirs douloureux de Fayward, alertèrent Syllie. Cette dernière extirpa une main de sous sa couverture et vint la poser sur celle de l’Elfe.

  • Cet enfant aussi est parti dans l’Au Delà, avec mon papa ? Fagnir a dit que c’était très joli là-bas, il faut pas être triste madame.

Le regard humide, la femme bleue fut attendrie par les mots si naïfs de l’enfant et elle serra la petite main dans la sienne.

  • Oui, tu as raison, je suis sûre qu’il est très heureux là-bas, comme ton papa.

Chaque seconde qui la rapprochait de la vérité lui fendait le coeur. Comment lui annoncer sa condition le plus possible en douceur ? Elle était si candide, encore si immature.

  • Enfin, quoiqu’il en soit, ta poupée a été déréglée parce que beaucoup de Mana est entré en contact avec. Alors elle est devenue bien plus puissante et dangereuse que ce qu’elle était. Cet évènement a fait quelque chose de très grave à la terre, son équilibre a été brisé. Un grand vide s’est ouvert dans le ciel, un vide qui détruit les mondes qui ne sont plus harmonieux. C’est un peu compliqué je sais mais… Je vais te raconter une petite histoire.

Elle s’assit plus en avant sur le lit, cherchant ses mots, visiblement très mal à l’aise. Syllie adorait les histoires, et elle était plus concentrée que jamais.

  • Bon. Il était une fois, dans une forêt lointaine, une belle dame et sa fille qui vivaient paisiblement dans leur petite maison.

AEYA y mit rapidement du sien, en donnant vie aux paroles de Fayward. Deux Elfes se matérialisèrent au sein d’une forêt qui se dessinait sur tous les murs de la chambre, avec en son sein, une cabane semblable à celle où elles se trouvaient. Ouah, cette histoire commençait bien selon Syllie, elle redoubla d’attention. Trop forte pour raconter les histoires la dame !

  • Elles pensaient être à l’abri et protégées grâce à leur Mana. Mais un jour, une très méchante personne les trouva et leur lança un sort très puissant qui percuta leur Mana, lui aussi très puissant.

Le méchant ressemblait aux sorciers du grand livre de sa maman, et il lançait des éclairs bleus terrifiants sur la petite cabane. Le choc bleu s’intensifiait sous les yeux de Syllie, et une impressionnante explosion l’aveugla, balayant le sorcier, et ne laissant derrière elle qu’un dôme de désolation, avec en son centre, la petite maison.

  • C’est… c’est comme ma maison ? Mais, pourquoi… pourquoi maman était pas là quand je me suis réveillées ? Elle est partie ? Elle m’a abandonné ?

Aucune larme ne pouvait plus s’échapper de son corps, mais Syllie pleurait. Sa mère ne s’était pas perdue, elle n’était juste plus là. Mais où ? Où était-elle alors ? Papa lui manquait, alors elle l’avait laissée toute seule au milieu des bois ? C’était insensé, pas elle, pas maman. La lueur bleue dans ses yeux s’agitait dangereusement, elle pulsait sous l’intensité de la multitude de sentiments que Syllie ressentait.


Fayward était inquiète. Si l’enfant lâchait prise, l’énergie qu’elle libérerait pourrait mettre fin prématurément à la vie sur tout le continent. Elle avait en elle la quasi totalité des réserves de Mana de ce monde. En vérité, le Grand Portail était venu la chercher elle. Elle était une anomalie, un monstre qui n’aurait jamais dû exister. Une petite fille qui n’avait rien demandé…

  • Syllie, ta maman ne t’a jamais abandonnée, regarde-moi. Elle passa une main sous le menton de l’enfant, pour avoir son attention. Ta maman t’aimait, elle t’aime toujours. Elle a tout fait pour te protéger, elle aurait donné sa vie pour toi, tu n’as pas le droit de dire qu’elle t’a abandonnée, elle est toujours là, et là.

L’Elfe avait posé ses doigts délicats sur le front, puis sur le coeur de l’Halfeline. Elle joignit ensuite ses mains en récitant une formule dans un langage mystique, son incantation se matérialisait peu à peu entre ses paumes, brillant d’un bleu familier. Elle approcha doucement l’orbe volatile près du visage de la petite qui ne bougeait pas, captivée par ce qu’il se passait sous ses yeux. La petite boule de magie se désolidarisa pour passer dans la nuque de Syllie.


Devant ses yeux, sur l’écran d’AEYA, de courtes scènes se mirent à défiler, des scènes du passé, auxquelles l’objet magique avait assisté. Elles mettaient en scène sa mère. Son sourire, son doux visage, sa voix magnifique, ses longs cheveux, l’Halfeline merveilleuse qu’elle était…


“Je t’aime ma chérie.”, “Tu es fabuleuse ma petite fille.”, “Syllie, qu’est-ce que tu fais ma puce ?”, “C’est pour moi ? C’est magnifique ! Merci mon petit ange.”...

  • Ta maman est dans l’Au Delà Syllie, elle n’a pas eu le choix… Mais toi tu l’as. Si tu passes le Grand Portail, tu pourrais la rejoindre. Tu pourrais tous nous sauver...

Syllie avait compris. Sa mère, elle ne la reverrait jamais, elle était morte, ils étaient tous morts, et tout le monde allait mourir si elle ne faisait rien.


Tout le poids du monde s'abattit sur ses épaules.


Un portail de téléportation fut ouvert dans le village Elfique. Le choix était sien. Si elle passait à travers, elle se retrouverait devant le Grand Portail, le dévoreur de mondes.


Plus rien ne la retenait ici.


Elle s’engouffra dans le grand halo translucide, sans un mot, sans un regard en arrière. On ne la revit jamais, elle mourut, seule, dans le néant infini.


Elvenar, année 0 du Grand Renouveau, jour 0, 06h00.

Une nouvelle histoire peut commencer...
 

DeletedUser426

Thème N°2 : Camping & Travail : Histoire N°20 :


À la recherche de la Cité Perdue :

Dans la voiture, les gouttes d’eau perlaient sur le pare-brise et leur bruit, lorsqu’elles s’y écrasaient, rappelaient les larmes que versaient silencieusement mon âme…
Voilà que se profilait un été au camping, un été à regarder les autres s’amuser sans la moindre envie de les suivre… Toutes ces activités n’étaient pas faites pour me détendre, non… Moi, je ne rêvais que d’un peu de silence, de sérénité, d’introspection et de communion avec la nature. Aller puiser au fond de moi mes racines et retrouver un peu de cette harmonie originelle, loin de la frénésie des villes et de l’agitation des vacanciers…

Mais voilà, cette année c’est le Camping de la Clairière qui allait nous accueillir dans son antre, mes amis d’enfance et moi, comme l’exigeait ce rituel de juillet mis en place depuis des années ! A l’obtention de notre bac, nous avions décidé de nous retrouver chaque mois de juillet pour passer ensemble une semaine merveilleusement légère et inoubliable. Jusqu’à présent, chaque camping qui nous avait accueillis avait su répondre à nos attentes : joie, bonne humeur, insouciance et aventure avaient toujours été au rendez-vous. Marc, le célibataire aisé, toujours amoureux de jeunes et jolies femmes cultivées, mais toujours éconduit, Julie et Jean, le couple modèle, Marielle, artiste timide et réservée mais ô combien délicieuse et agréable, et Mickaël, l’Apollon volage, travaillant dans une prestigieuse maison d’édition… voilà qui étaient mes compagnons de voyage et mes meilleurs amis ! Tous quadragénaires et heureux de nous retrouver chaque année pour passer ensemble de bons moments !
Mais cette année, c’est le cœur lourd que je pris la route. Mon cœur saignait de l’amie que j’avais perdue, de cette amie qui plus que quiconque savait me comprendre sans dire mot et qui m’avait quittée peu de temps avant le départ. Ma maman spirituelle n’était plus, elle avait gagné un billet pour que Charon lui fasse franchir le Styx et atteindre la vie éternelle. C’est donc le cœur glacé par son absence mais réchauffée par son évocation que je parcourus les kilomètres qui me séparaient encore du camping.

Arrivés sur place, après les sempiternels embouteillages dont sont gratifiés les vacanciers, le camping nous ouvrit ses portes : et là, la découverte ne fut pas si désagréable que je l’avais prévu. Le camping se trouvait dans un écrin de verdure, constitué de magnifiques pins qui parfumaient l’endroit et de hauts saules… Un camping plus calme de prime abord que tous ceux que nous avions fréquentés jusque-là…
Les petites cabanes prévues pour les vacanciers étaient faites de bois et cadraient à merveille avec le paysage. Ce petit camping perdu entre campagne et mer ressemblait à un havre de paix.
Nous étions les premiers arrivés. Le camping venait juste d’ouvrir ses portes. Nous allâmes nous installer avant de poursuivre la visite des installations. Nous fûmes tous conquis, mais mes amis espéraient simplement que le camping se remplirait rapidement pour avoir l’opportunité de faire la connaissance de nouvelles personnes et pour que débutent ces animations estivales qu’ils affectionnaient tant. Quant à moi, j’avais prévu de quoi m’occuper : de bonnes lectures, un petit calepin, de quoi écrire et mon appareil photo pour immortaliser tout ce qui me touchait afin de pouvoir partager mes découvertes avec mes proches.
Cette année, l’été passé au Camping de la Clairière fut inoubliable… Tout y était harmonieux… Les arbres, les animaux, les fleurs… seuls les humains avec leurs tentes et véhicules dérangeaient cet ordre naturel.

Il me plaisait de penser que des créatures fabuleuses se dissimulaient à l’intérieur des arbres et guettaient, inquiètes mais curieuses, le va-et-vient incessant des êtres humains…
Le soir de notre arrivée, alors que mes comparses avaient prévu après le repas de se rassembler autour de la piscine pour lier connaissance - et plus si affinités - avec les nouveaux arrivants de la journée, je décidai d’aller un peu prendre l’air et de me promener dans la forêt. Je suivis un petit cours d’eau qui serpentait à travers le camping et continuait sa route dans les bois aux abords de notre hébergement. Je ne m’éloignai guère car la nuit n’allait pas tarder à tomber. A l’extérieur du camping, je découvris un monde peuplé de mystères, rythmé par le doux clapotis du ruisseau et le chant de quelques grillons. Je fermai les yeux et me laissai emporter par la quiétude qui émanait de ce lieu.

Cette ambiance sereine et la fraîcheur du soir firent resurgir en ma mémoire des instants fugaces de bonheur et des larmes s’échappèrent de mes yeux : Michelle était là, toujours présente en mon esprit et dès que le vide se faisait autour de moi, son visage m’apparaissait, comme si elle avait un message à me délivrer. Ses mots envoyés par sms « Il pleut sur la route des vacances comme il pleure dans mon cœur » me revenaient et tel un boomerang me heurtaient. Elle, cette prof admirable, cette grande dame aux idéaux humanistes, cette merveilleuse chef d’établissement, était partie à la retraite et avait dès la venue du nouveau chef été priée de ne plus participer à la vie de l’école. Quelle souffrance, quelle blessure, quelle plaie béante avaient alors fait souffrir celle qui fut mon mentor… Comme je honnissais celui qui était cause de ses maux, comme je le méprisais d’une telle bassesse ! Le froid s’empara de mon âme, le paysage se transforma, la rivière se fit glace ; le paysage revêtit soudain les couleurs sombres que la tristesse avait fait surgir en moi.
Submergée par les émotions, je dus un instant m’asseoir, et des mots emplirent mon esprit. Je me hâtai alors de reprendre le chemin du camping, envahie d’une sensation de malaise.
De retour au camping, j’allumai une lampe à pétrole pour m’éclairer et couchai les mots qui me submergeaient dans mon calepin… Les lignes se noircirent rapidement. Mes sentiments passèrent de la tristesse à un doux sentiment d’apaisement, comme si Michelle m’avait dicté ces lignes pour me redonner le sourire. Des vertus de l’écriture comme exutoire…

Il neige dans mon coeur et mon corps
comme la glace s’étend au dehors,
le froid me gagne, le froid me mord,
tu me manques tant, mon amie, mon mentor...
La glace recouvre les étendues,
les larmes coulent de mon coeur mis à nu,
mon âme saigne, mon sang se glace,
quelque chose en moi se brise, se casse...
Mais malgré ton absence je te sais là,
auprès de moi,
mon être lumière,
toi qui éclaires
de ta bienfaisante humanité
mon âme dévastée
comme les feuilles aux chatoyantes couleurs
par le soleil mises en valeur
font d’un paysage aux couleurs froides et glacées
un tableau chaud et habité…
Il est ainsi des compagnons de vie
qui en gagnant le paradis
laissent un grand vide derrière eux
mais à travers les cieux, ils nous observent de leurs yeux
emplis d'amour et de tendresse
et nous délivrent un message plein de sagesse:
Surtout ne me pleure pas,
un jour tu seras près de moi
et nous nous retrouverons
comme deux vieux compagnons...
Toi, tu auras pensé à moi
et moi j'aurai veillé sur toi...
Tout sera comme avant,
nous nous aimerons toujours autant...
L'amour ne s'en va pas,
il est toujours là...
Alors réjouis-toi, il le faut,
Mon départ n'est que prélude à un renouveau !


Etait-ce là le message qu’elle voulait me délivrer ou était-ce moi qui cherchais à me consoler ? Je n’eus pas davantage le temps d’y penser, je me sentis à nouveau attirer au dehors où le paysage soudain revêtit des couleurs plus douces en harmonie avec l’apaisement qui avait envahi mon cœur.

Lorsque l’être humain et la nature entrent en communion, s’opère alors une magie : c’est comme si tous deux entraient en fusion, comme si l’Homme embrassait la Nature et que celle-ci l’intégrait en elle…

Arrivée au pied d’un saule, un personnage mystérieux en surgit, auréolé d’une douce lumière… Il me tendit la main et m’invita à un voyage inédit, au camping d’Elvenar ! Je ne résistai pas à son appel, et le suivis.

Après avoir traversé un tunnel illuminé d’étoiles, nous parvînmes dans une forêt digne des plus belles représentations de celle de Brocéliande ! Partout autour de moi des Elfes sylvains s’affairaient, pour donner au camping d’Elvenar l’aspect le plus réjouissant dans le respect de la nature. Le camping des Elfes sylvains était splendide : partout des cabanes dans les hauts arbres étaient reliées les unes aux autres par des lianes que venaient illuminer des lucioles, des échelles de verdure serpentaient les troncs des arbres pour que les pas légers des elfes puissent y prendre appui et des fleurs aux couleurs éclatantes tapissaient le sol et rendaient ce lieu enchanteur !

L’Elfe sylvain qui m’avait amené ici me demanda de m’asseoir autour d’un feu où tous les autres elfes vinrent nous rejoindre. Il prit alors la parole :

« LinaewenLuinil, c’est ainsi que nous te nommerons, Marie, je t’ai conduite ici car j’ai senti ton cœur en communion avec les éléments et pur ; tes sentiments de tristesse se sont peu à peu estompés à ton contact avec la nature. Tu as su communier avec elle, renouer avec tes origines, et te fondre dans ton environnement. Ici, nous avons besoin de toi. Les forêts souffrent car les êtres humains les malmènent ; il faut à tout prix que tu nous aides à les protéger sans quoi la survie des Elfes sylvains sera menacée. Es-tu prête à accomplir cette mission ? »

« Bien entendu, je ne peux que vous tendre la main et vous épauler. Lorsque je vois la magnificence de votre habitat, je ne peux souffrir de le laisser en proie à la folie destructrice des hommes. Je vous promets de faire tout ce qui est de mon ressort pour vous aider ! »

« Si tu le veux bien, nous nous réunirons ici chaque nuit, nous viendrons te chercher ! Nous sentons en toi une âme bienveillante à l’écoute de la nature. Aussi avons-nous confiance en toi ; surtout, n’ébruite rien de notre présence auprès de vous, nous ne peuplons vos forêts que pour vous observer et nous rendre compte de votre action sur la nature. Tout ce qui se passe dans le monde des êtres humains se répercute directement sur le nôtre. Nos univers sont parallèles mais reliés. »

« Chaque jour, j’oeuvrerai pour que mon univers et le vôtre ne souffrent pas davantage. Je ne peux vous assurer la réussite de ma tâche, mais j’y mettrai tout mon cœur ! »

Les Elfes entamèrent alors une danse à laquelle se joignirent les lucioles et c’est ainsi, entraînée dans le tourbillon de leur énergie, que je me retrouvai soudain à nouveau au pied du saule qui avait assuré mon passage dans le monde merveilleux d’Elvenar.

Dès le lendemain matin, je décidai de me mettre à l’ouvrage.

J’allai réveiller mes compagnons de voyage qui avaient à priori bien fait la fête et dressai la table du petit-déjeuner !

Au menu des conversations de la matinée, les rencontres de la veille, le charme de l’endroit et le programme de la journée !

Marc avait bien entendu été ébloui par une jeune femme de 20 ans sa cadette, Mickaël n’avait pas fini la soirée seul, Marielle, Julie et Jean avaient bien profité de la soirée pour rire, s’amuser et danser sur des musiques des années 80 !

Je ne parlai bien entendu pas de ma rencontre avec les Elfes sylvains mais orientai la conversation sur le cadre naturel dans lequel nous nous trouvions. J’en profitai alors pour proposer une randonnée dans la forêt voisine afin de voir comment honorer ma mission et me faire une idée de l’importance des ravages causés par la main de l’homme. Mes amis acquiescèrent. Nous prîmes quelques victuailles, mon appareil photo et après avoir chaussé de bonnes chaussures de rando, nous partîmes à la découverte de la forêt.

Nous longeâmes un petit sentier et entendîmes à proximité l’eau du ruisseau s’écouler. La végétation était verdoyante et dense, les oiseaux, les papillons et les insectes se cachaient à notre approche, mais je pus saisir quelques beaux clichés : des papillons de couleurs diverses (des aurores, des paons du jour, des Robert-le-diable, des azurés bleu célestes) qui voletaient dans les airs comme s’ils dansaient un ballet, avec grâce et harmonie, mais aussi, en approchant du ruisseau, ce furent des libellules, des demoiselles ainsi que des agrions éclatants et élégants qui nous émerveillèrent et nous plongèrent dans une douce rêverie ! Comment rester de marbre en les voyant s’accoupler en cœur… Que la nature était bien faite !

De ci, de là, des racines d’arbres surgissaient à la surface, témoignant de l’âge certain des arbres peuplant la forêt. Elles narraient à elles seules les événements tragiques qui avaient autrefois secoué cette terre, comme les rides des personnages âgées racontent elles aussi ce qu’elles ont traversé comme épreuves dans leur vie.

Nous nous assîmes confortablement aux racines d’un arbre et nous partageâmes l’énergie qui en émanait, comme si les arbres et nous pouvions nous nourrir de la même sève !

Je sortis alors mon calepin et écrivis, inspirée par la quiétude des lieux :

« Lorsque le vent dans les feuilles murmure,
c'est les mystères de la nature
qu'il nous dévoile dans son langage mystérieux
tout droit inspiré des cieux...
Lorsque les étoiles scintillent au firmament,
c'est l'âme de tous les coeurs aimants
qui resplendit dans le ciel pour nous éclairer,
nous illuminer et nous guider...
Lorsque les parfums des fleurs nous envoûtent,
nous enivrent, nous transportent, alors disparaissent les doutes;
l'âme et l'esprit se libèrent,
convolant en noces dans les airs...
La nature est un verdoyant écrin renfermant les plus beaux joyaux
auxquels ne peuvent rendre hommage les mots;
elle porte en elle cette trace d'éternel
qui lui confère cette aura exceptionnelle...
A nous de l'aimer
et de la protéger
pour un jour rétablir l'harmonie originelle
qui nous unira à elle... »

Mickaël se pencha au-dessus de mon épaule et lut ce que j’écrivais :
« Eh bien, si tu publiais tes photos accompagnées de tes écrits, nul doute que tu ouvrirais les yeux à plus d’un sur les trésors qu’elle recèle en son sein », dit-il.
« Tu sais, je ne pense pas que les gens s’intéressent vraiment à la poésie, ils recherchent plutôt des aventures policières, des récits fantastiques ou encore des romans historiques ou des écrits scientifiques en fonction de leur intérêt. La poésie est devenue désuète… et n’attire plus. Rimbaud, Baudelaire, Verlaine ne sont guère plus lus malheureusement… Le seraient-ils, peut-être que les choses seraient différentes ! » rétorquai-je.
« Fais donc un essai, propose au camping de faire une expo photos avec les magnifiques clichés que tu as pris et adjoins-leur tes textes. Ainsi tu sauras au moins si cela a un impact ou non sur les gens ! Je te mets au défi de le faire ! Si tu le refuses, j’ai le droit de te donner un gage et tu peux compter sur moi pour trouver quelque chose de bien embarrassant », poursuivit-t-il en souriant.
« Eh bien d’accord, défi relevé, mais si l’expo ne rencontre pas le moindre succès, compte sur moi pour te titiller tout le reste du séjour ! »
Les autres rirent de notre échange, curieux et intrigués par cette soudaine idée émanant de Mickäel. Nous poursuivîmes alors notre chemin.
Si les abords du camping se révélaient être un lieu enchanteur, le reste du bois nous réserva une surprise bien désagréable. Apparemment moins enclin à être visité, parcouru ou vu des touristes, le reste du bois nous fit frémir : nous arrivâmes à ce qui ressemblait à une décharge sauvage. Quel spectacle pitoyable ! Les humains avaient détruit ce cadre enchanteur en y entreposant toutes sortes de déchets : s’amoncelaient ainsi vieux jouets, métaux, piles, vêtements et chaussures usagés, bouteilles en verre de toutes sortes… tant d’éléments que le temps ne décomposeraient qu’avec grand mal ! Un saule pleureur situé à cet endroit dépérissait, les racines dévorées par les immondices qui jonchaient le sol. Je le caressai de la main et sentit comme des larmes couler du tronc. Abritait-il un Elfe sylvain ?
Plus déterminée que jamais à faire cesser cette horreur, je pris des clichés de cette décharge et des environs souillés par l’homme. Je sortis aussi un sac poubelle de mon sac à dos et le remplis de déchets ramassés au hasard.
« Mais que fais-tu là ? Eloignons-nous au plus vite de cet endroit immonde ! », lança Marc.
« Je pense que Marie a une idée derrière la tête ! » s’écria Marielle… « Et si mon instinct ne me trompe pas, elle voudra mettre les gens face à la réalité en opposant les merveilleux abords du camping au dépotoir découvert au plus profond de la forêt ».
« Tu as effectivement raison, Marielle. Si nous voulons nous promener sans avoir à faire face à ces désagréments et profiter d’une nature épanouie qui nous régénérera, il faut qu’il y ait une prise de conscience. Dès ce soir, je parlerai au propriétaire du camping d’une éventuelle expo face à laquelle nous dresserons un mur de déchets. Cela devrait éveiller quelques esprits ! Et je sais que je peux compter sur votre créativité pour agencer ces déchets au mieux ! »
« Eh bien, suivons ton idée Marie ! » répondirent-ils tous en chœur.
Nous décidâmes dès lors de rebrousser chemin pour nous atteler à notre tâche. A quelques mètres de la décharge sauvage, le cri d’un oiseau éveilla notre attention. On eût dit qu’il nous appelait ! C’est Marc, le premier, qui le repéra.
« Regardez, on dirait un corbeau freux ! » s’écria-t-il ! Il était perché sur une sorte de portail dissimulé dans des broussailles. Nous nous en approchâmes et pûmes déchiffrer quelques lettres bleues qui s’y trouvaient incrustées: M…P..A . On eût dit des cristaux insérés dans la roche mais si parfaitement fondus à l’intérieur qu’il eût été impossible de les en extraire.
« Et si c’était une de ces portes qui permettent de passer dans un univers parallèle ? Si nous pouvions découvrir un autre monde ? » s’écria Marc.
« Bien sûr », dit Mickaël. « Et dans cet univers parallèle, Marc trouvera l’élue de son cœur qui répondra à ses attentes, Marielle sera plus épanouie que jamais et créera les plus merveilleux chefs-d’œuvre du monde artistique, Julie et Jean sortiront le jeu le plus addictif qui soit et deviendront riches, Marie publiera un recueil de poèmes et de photos qui fera sensation, quant à moi, une femme parviendra à me mettre la corde au cou et nous fonderons un foyer prospère et heureux ! »
Toute la bande éclata de rire ! Mais tous, nous avions nos rêves et nos espoirs… Et si la réalité pouvait s’avérer plus féérique qu’il n’y paraissait ?
Nous retournâmes au camping et unîmes nos efforts pour créer un mur de déchets qui ferait face à l’ expo de photos nature agrémentées de textes.
Le directeur du camping, lui-même féru de photographies et de nature, trouva l’idée excellente et nous autorisa à exposer dans un lieu approprié : une grande salle au milieu du camping réservée en général à faire la fête le samedi ! Et il nous assura de la présence d’un ami journaliste dès le lendemain pour mettre cette expo en lumière !
Nous nous activâmes : j’écrivis les derniers textes, Mickaël se rendit en ville pour y faire développer mes photos au labo, Marielle érigea le mur de déchets avec l’aide de Marc, et Julie et Jean préparèrent des affiches pour présenter l’expo, tout cela dans la joie et la bonne humeur. Nous nous plûmes à critiquer nos créations comme des adolescents !
Le soir venu tout était prêt !
Pour fêter cela, nous décidâmes d’aller manger en ville et c’est repus et bien fatigués que nous regagnâmes le camping à la nuit tombée.
Nous nous séparâmes pour regagner nos tentes respectives et nous nous dîmes au lendemain.
Quant à moi, j’attendis impatiemment un signe des Elfes sylvains. Cette nuit-là, ce furent les lucioles qui vinrent me chercher. Ils m’emmenèrent au pied du saule et nous atteignîmes l’univers des elfes. Une fois de plus, je fus éblouie par leur habitat qu’ils n’avaient de cesse d’améliorer.
« Alors, chère LinaewenLuinil, comment s’est passée ta journée ? », me questionna l’Elfe qui m’avait accueillie la veille.
Je lui racontai alors notre action de sensibilisation et il m’en félicita. « C’est effectivement une excellente idée que de parler à la conscience des humains et de convoquer la presse », dit-il… Me voyant éblouie par la magnificence des lieux, il me proposa ensuite une petite visite guidée d’Elvenar : Je découvris que chaque maison jouissait d’innovations extrêmement remarquables ; les demeures étaient par exemple construites pour qu’une personne puisse y évoluer sans risque aucun d’allergie : luminosité, fraîcheur, taux d’humidité, tout y était réglé pour que les conditions de vie soient optimales. Tout n’était que splendeur partout où il m’emmena: l’ambassade et l’académie volante étaient des bijoux d’architecture, et partout l’on pouvait trouver des puits sur lesquels dansaient des esprits, des carillons à vent et des fontaines d’où s’écoulait une eau magique… Quel univers poétique !
L’Elfe sylvain me fit promettre de revenir le lendemain mais avant de le quitter, il me présenta encore les tréants, ces arbres-combattants, courageux et puissants, qui assuraient la sécurité du peuple d’Elvenar. J’en profitai alors pour lui parler de cette porte trouvée lors de notre promenade.
Interloqué, il me demanda si elle portait une inscription : je lui restituai les lettres qui s’y trouvaient et là, il me serra dans ses bras.
« Tu as trouvé là quelque chose d’extrêmement rare et précieux. C’est l’une des portes de Manepica, la seule située dans le monde des humains. Elle ouvre sur l’ancienne cité perdue, le centre spirituel de notre civilisation. Nous cherchons ces portes sans relâche et toi, tu en as trouvé une… Ah, si seulement nous savions comment la faire fonctionner ! Nous avons perdu les données des Anciens mais espérons un jour retrouver le berceau de notre univers… Ainsi peut-être pourrions-nous éviter les répercussions de votre monde sur le nôtre ! »
« Et si cette porte ne signifiait pas justement le contraire ? Si elle nous révélait justement que des humains et des elfes ont de tout temps concouru à oeuvrer à l’équilibre des univers ? »
« Peut-être as-tu raison… Toi et tes amis trouverez peut-être d’autres indices utiles… Il me faut maintenant te raccompagner… »
Je passai alors une bonne nuit… peuplée de rêves d’univers magiques…
Le lendemain, l’expo était prête, les vacanciers furent nombreux à la visiter et l’ami journaliste du propriétaire du camping promit de la relater.
Mes amis et moi poursuivîmes nos recherches autour de la porte qui nous avait tant attirés…
Ce fut Mickaël qui trouva près de la porte, derrière un tas de décombres, une pierre brillante bleue formant la lettre A. Il nous appela pour partager sa trouvaille. De suite, Marielle s’écria : « Et si c’était l’une des lettres manquantes situées au-dessus de la porte ? On pourrait voir si un emplacement peut lui correspondre ?
« Excellente idée ! », répondirent en chœur Julie et Jean.
Nous nous dirigeâmes vers la porte et cherchèrent un emplacement où insérer la pierre… Aucune marque de lettres n’y était tracée. Mickaël eut alors l’idée de passer simplement sa pierre devant le nom de la porte et soudain elle fut absorbée et se fondit dans l’inscription.
« Ce n’est pas possible, on nage en pleine fiction ! » s’écria Marc.
Julie et Jean se regardèrent et eurent la même idée au même moment. « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction », écrivait Antoine de Saint Exupéry, mais pour eux, c’était les deux à la fois et ce depuis qu’ils se connaissaient. Ils s’étaient rencontrés au lycée et ne s’étaient plus quittés depuis ! Fans tous deux de jeux vidéo, ils s’étaient lancés dans leur conception. Et cette histoire pouvait bien être le début de la trame d’un jeu qui ferait fureur !
« Et si on repartait à la chasse au trésor ? », proposa Mickaël.
En fouillant avec attention les alentours, et en éliminant ça et là les déchets qui jonchaient le sol, nous parvînmes à trouver 4 autres lettres encore : Marc trouva un E, Julie et Jean un M, Marc un I et moi un C… A tour de rôle nous approchâmes nos lettres de la porte et l’une après l’autre, elles furent absorbées… Le mot MANEPICA fut formé et nous fûmes alors projetés dans un monde onirique… Quel ne fut notre émerveillement de découvrir une Cité qui semblait perdue. Au milieu de la Cité, un immense bassin à l’eau cristalline était entouré de fontaines sur lesquelles dansaient des esprits, et autour de la Cité des maisons taillées dans les arbres avec des carillons, des escaliers de végétation, des toits de fleurs, des bassins dans lesquels se revigorer… Et un peu à l’écart, une sorte de grand écran… Bien entendu, je savais où nous nous trouvions mais avais promis aux Elfes de rien révéler à mes amis, et je tins parole.
« Bon sang, mais où sommes-nous ? » se demanda Marielle.
« Comment allons-nous sortir de là ? » reprit Marc. « C’est bien beau tout ça, mais il faut que cela s’arrête ! On nage en pleine fiction ! »
« Allons, réfléchissons, et nous parviendrons à retourner au camping… » positiva Mickaël.
« Et si on s’approchait de l’écran ? Peut-être renferme-t-il un message ? » suggérèrent Julie et Jean.
« Pourquoi pas ? » approuvai-je.
A peine arrivés devant l’écran, nous reculâmes, surpris. Un hologramme venait de surgir.
« Vous êtes arrivés dans la Cité ancienne des Elfes Sylvains. C’est ici que se concentre le savoir des Anciens, vous avez trouvé la clé de leur centre spirituel. Cette porte, dissimulée dans le monde des humains, devait un jour être découverte par des êtres spéciaux qui seraient un trait d’union entre nos deux civilisations. Et vous voici. Vous pouvez dès à présent avertir les Elfes Sylvains de votre découverte en vous glissant dans les racines d’un saule. Cette capsule que je vous remets contient les informations nécessaires à leur passage dans ce nouvel univers. Ils vous ramèneront ensuite dans votre monde. Si un jour vous souhaitez revenir, sachez que la passerelle menant à cet endroit ne se déploiera qu’en introduisant à nouveau les lettres chargées de mana durci dans la porte. Le mana est notre ressource la plus précieuse. Quant aux Elfes Sylvains, les racines du saule maître situé à côté du bassin sera leur unique moyen de venir. Votre arrivée leur a ouvert le passage…»
Abasourdis, nous écoutâmes le message.
« Des Elfes sylvains ? Un autre monde ? Mais pincez-moi et réveillez-moi ! Je rêve !», s’écria Marielle.
« Ne t’en fais pas, nous allons vite retourner chez nous. Je sais comment faire. Tu verras, tout ira bien. », lui dis-je pour la calmer.
Je courus au pied du saule, un Elfe sylvain apparut, auréolé de lucioles. Mes amis me suivirent, interloqués.
En un clin d’œil, nous nous retrouvâmes dans leur univers.
Les Elfes étaient tous réunis. Ils nous regardèrent avec stupeur. Rapidement, je pris la parole :
« Nous avons découvert comment actionner la porte donnant sur l’ancienne Cité et y avons pénétré. Voici la capsule qui nous a été remise à votre attention. Elle contient les informations nécessaires à votre passage dans ce Centre Spirituel qui contient tous les enseignements des Anciens… »
« Merci, LinaewenLuinil. Nous vous sommes reconnaissants, à toi et tes amis, de tout ce que vous avez fait pour nous et ne vous oublierons jamais. Vous avez été choisis pour être les messagers entre nos deux univers et celui des Anciens. Nous resterons ainsi toujours en contact. Grâce au pouvoir des Anciens, nous trouverons les informations nous permettant de protéger au mieux notre monde des agressions extérieures. Merci mille fois à vous! ».
Je dus alors expliquer à mes amis tout ce qui s’était passé et nous festoyâmes avec les Elfes et les lucioles.
A la tombée de la nuit, les Elfes nous reconduisirent au saule et nous regagnâmes le camping.
Nous nous assîmes alors ensemble, les yeux pleins d’étoiles. Julie et Jean parlèrent de leur projet de faire de cette aventure un magnifique jeu qu’ils nommeraient Elvenar, Marielle leur proposa d’en assurer la partie graphique et Marc de le financer. Quant à Mickaël, il me proposa de faire parvenir mes textes et photos à la maison d’édition pour laquelle il travaillait. Cette nuit-là, nous parlâmes de ces projets jusqu’au bout de la nuit. Je m’endormis sur l’épaule de Mickaël, et Marielle sur celle de Marc. Cette aventure nous avait soudés davantage et révélé des affinités insoupçonnées.
Le lendemain matin, nous fûmes réveillés de bon matin par des bruits de machines venant de la clairière. Nous y courûmes pour voir ce qui se passait. D’importants travaux de déblayage et de nettoyage étaient en cours. Le journaliste venu la veille avait publié son article et le maire avait été harcelé de coups de fil pour que la forêt redevienne un lieu propre et agréable. L’opération « Sensibilisation » avait été un succès !
Nous récupérâmes rapidement les pierres de la porte : il nous suffit de passer la main devant l’inscription pour que chacun récupère celle qu’il avait trouvée au départ.
Le reste de semaine fut plus tranquille : Nous proposâmes différentes actions au camping qui furent fructueuses. Grâce à l’initiative du ramassage et du tri de déchets par des vacanciers bénévoles, à la confection par les enfants de panneaux invitant au non gaspillage de l’eau, de l’électricité et à la préservation de la propreté, au concours du meilleur projet environnemental et à l’édition d’une brochure expliquant le rôle de la nature dans notre quotidien, le camping de la clairière se vit décerner le prix du Camping le plus écolo de France.
Dès notre retour, nous travaillâmes à nos projets qui tous aboutirent.
Chaque année depuis ces vacances au Camping de la Clairière, nous allons rendre visite à nos amis les Elfes Sylvain pour fêter avec eux ce retour au respect de l’environnement. Et à chacune de nos visites, Julie et Jean trouvent de nouvelles idées pour enrichir leur jeu, contribuant là encore à propager cet idéal d’une harmonie à établir entre l’homme, la nature et les diverses créatures.
Marielle et Marc, Mickäel et moi formons depuis ces vacances des couples unis, et Michelle, qui veille là-haut sur moi, doit être heureuse car j’ai accompli mon destin : améliorer le monde à ma façon, par mes écrits et mes photos… D’ailleurs, si vous observez bien le ciel, vous trouverez vous aussi des étoiles qui vous sourient car nos Etres Lumières ne nous quittent jamais !
 

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