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    Modérateurs de la section :

Et nos textes, passages, poèmes préférés ?

DeletedUser

Bonjour,

Nous échangeons sur pas mal de choses mais pourquoi ne pas mettre ici nos textes, nos poèmes, nos passages de livres, nos citations ou autres que nous affections tout particulièrement ? Il y a parmi nous je suis sûre de bons lecteurs qui auront envie de nous faire découvrir de belles choses :)

Je propose pour commencer (faut bien se lancer) se magnifique poème de William Ernest Henley, un texte fort qui m'a souvent soutenu dans mes moments tristes, durs, désespérés. Un texte qui a su toujours m'insuffler la force d'avance, de ne jamais baisser les bras ♥


Dans les ténèbres qui m'enserrent
Noires comme un puits où l'on se noie
Je rends grâce aux dieux, quels qu'ils soient
Pour mon âme invincible et fière.

Dans de cruelles circonstances
Je n'ai ni gémi ni pleuré
Meurtri par cette existence
Je suis debout, bien que blessé.

En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l'ombre de la Mort
Je ne sais ce que me réserve le sort
Mais je suis, et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin
Nombreux, les châtiments infâmes
Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme.
 

DeletedUser

Très bonne idée Arwenn!

Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force

Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie elle ressemble à ses soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désarmés incertains
Dites ces mots ma vie et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un ouiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi ces mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux


Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux


Louis Aragon, La Diane Française (1946)

 

DeletedUser1325

L’espérance


J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie

*

Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits

*

Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries

*

Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir

*

J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.

Andrée Chedid
 

DeletedUser

voici un poème que j'apprécie particulièrement

Liberté
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)
 

DeletedUser

Les sapins

Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revêtu

Comme des astrologues
Saluent leurs frères abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent


Dans les sept arts endoctrinés
Par les vieux sapins leurs aînés
Qui sont de grands poètes
Ils se savent prédestinés
A briller plus que des planètes

A briller doucement changés
En étoiles et enneigés
Aux Noëls bienheureuses
Fêtes des sapins ensongés
Aux longues branches langoureuses

Les sapins beaux musiciens
Chantent des noëls anciens
Au vent des soirs d'automne
Ou bien graves magiciens
Incantent le ciel quand il tonne

Des rangées de blancs chérubins
Remplacent l'hiver les sapins
Et balancent leurs ailes
L'été ce sont de grands rabbins
Ou bien de vieilles demoiselles

Sapins médecins divagants
Ils vont offrant leurs bons onguents
Quand la montagne accouche
De temps en temps sous l'ouragan
Un vieux sapin geint et se couche
Guillaume Apollinaire
 

DeletedUser

Nous échangeons sur pas mal de choses mais pourquoi ne pas mettre ici nos textes, nos poèmes, nos passages de livres, nos citations ou autres que nous affections tout particulièrement ?

Salut,
je voulais vous faire partager l'extrait d'un livre que l'on m'a offert pour mon 11ème anniversaire. Bouquin lu à plusieurs reprises.
J'ai fini par retenir le dernier paragraphe de ce récit qui est avant tout une narration.
Ce livre m'a marqué en son temps, rêve de gosse très certainement, la conquête de l'espace, toute une histoire...pour un garçon de 11 ans.
L'ouvrage s'intitule « En route pour la lune ».
Edité la 1ère fois en 1976.
Il est écrit par le célèbre Michael Collins.

zoma.jpg

Michael Collins est un astronaute du temps de la conquête spatiale.

A cette époque fin des années 60, début des années 70, les Etats-Unis et l'URSS se livrent une bataille à qui atteindra la lune le 1er (ou tout au moins qui plantera le drapeau national, le 1er).
En juillet 1969, Michael Collins est le pilote du module de commande, le Columbia, qui emporta Neil Armstrong et Buzz Aldrin dans la fameuse mission Apollo XI.

Devrais-je vous citer la célèbre phrase de Neil Armstrong lorsqu'il fut le première homme à fouler le sol lunaire, le 20 Juillet 1969 ?

« C'est un petit pas pour l'homme, un pas de géant pour l'Humanité ».

Ce paragraphe du livre de Michaël Collins et qui clôture son ouvrage est le suivant :


« L'Humanité réalisera-t-elle ces projets ? Décidera-t-elle de créer le Libra, de vivre sur Mars, de visiter Titan, de s'aventurer au-delà ? Je l'ignore. Mais je sais qu'avant d'atteindre mes 40 ans, j'ai fait des choses que l'on tenait pour impossibles l'année de ma naissance. J'espère qu'il ira de mêmes pour les générations à venir car les exploits humains semblent se succéder de plus en plus vite. Je me suis balancé au bout d'une corde à des centaines de kilomètres au-dessus de notre planète ; j'ai eu la chance d'aller quelques instants au-delà de la lune, dans le vide ténébreux. J'espère, en fait je suis sûr, que certains de ceux qui me lisent jouiront du même privilège ; au cours de votre vie, c'est tout à fait possible. Si vous êtes résolus à entreprendre le voyage, je vous regarderai partir en applaudissant de tout mon cœur. »


J’interprète ce dernier paragraphe en quelques phrases :
Vos rêves peuvent se concrétiser,
Et bien malgré qu'ils ne se concrétisent pas au cours de votre existence, vous y croyez encore et ils vous transportent quand même tout au long de votre vie.


"Sur ce...
Je vous souhaite...
Une très belle soirée..."

d21f.jpg
 

DeletedUser

La mort, l’amour, la vie

J’ai cru pouvoir briser la profondeur de l’immensité
Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
Comme un mort raisonnable qui a su mourir
Un mort non couronné sinon de son néant
Je me suis étendu sur les vagues absurdes
Du poison absorbé par amour de la cendre
La solitude m’a semblé plus vive que le sang
Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon cœur au vide et le vide à la vie
Tout effacer qu’il n’y ait rien ni vire ni buée
Ni rien devant ni rien derrière rien entier
J’avais éliminé le glaçon des mains jointes
J’avais éliminé l’hivernale ossature
Du voeu de vivre qui s’annule

Tu es venue le feu s’est alors ranimé
L’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoilé
Et la terre s’est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J’avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J’avançais je gagnais de l’espace et du temps
J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière
La vie avait un corps l’espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l’aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.

Les champs sont labourés les usines rayonnent
Et le blé fait son nid dans une houle énorme
La moisson la vendange ont des témoins sans nombre
Rien n’est simple ni singulier
La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit
La forêt donne aux arbres la sécurité
Et les murs des maisons ont une peau commune
Et les routes toujours se croisent.
Les hommes sont faits pour s’entendre
Pour se comprendre pour s’aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.

Paul Eluard
 

DeletedUser1325

1. On est bien peu de chose
Et mon a-mie la rose
Me l'a dit ce ma-tin
À l'au-rore je suis née
Bap-ti-sée de ro-sée
Je me suis é-pa-nouie
Heu-reuse et a-mou-reuse
Aux ray-ons du so-leil
Me suis fer-mée la nuit
Me suis ré-veil-lée vieille
Pour-tant j'é-tais très belle
Oui j'é-tais la plus belle
Des fleurs de ton jar-din

2. On est bien peu de chose
Et mon a-mie la rose
Me l'a dit ce ma-tin
Vois le Dieu qui m'a faite
Me fait cour-ber la tête
Et je sens que je tombe
Et je sens que je tombe
Mon c?ur est pres-que nu
J'ai le pied dans la tombe
Dé-jà je ne suis plus
Tu m'ad-mi-rais hi-er
Et je se-rai pous-sière
Pour tou-jours de-main

3. On est bien peu de chose
Et mon a-mie la rose
Est mor-te ce ma-tin
La lu-ne cet-te nuit
A veil-lé mon a-mie
Moi en rê-ve j'ai vu
É-blou-is-sante et nue
Son â-me qui dan-sait
Bien au-de-là des nues
Et qui me sou-ri-ait
Croit ce-lui qui peut croire
Moi j'ai be-soin d'es-poir
Si-non je ne suis rien

Ou bien si peu de chose
C'est mon a-mie la rose
Qui l'a dit hier ma-tin.
 

DeletedUser

Le Pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure


Guillaume Apollinaire (1880 - 191:cool:
Si vous souhaitez l'écouter mis en musique:
 

Thorondhor

Élève assidu
Moi aussi, j'aime la poésie:
De Victor Hugo, poète que je cite souvent que je salue et n'aime guère dans ses lourdeurs, mais admire dans la force d'évocation de ses images:
Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort.

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit !

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

La rumeur approche.
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s'écroule,
Et tantôt grandit,

Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !... Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond.
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

C'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près ! - Tenons fermée
Cette salle, où nous les narguons.
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée
Tremble, à déraciner ses gonds !

Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure !
L'horrible essaim, poussé par l'aquilon,
Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon !

Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !

Ils sont passés ! - Leur cohorte
S'envole, et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle,
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leurs pas ;
Leur essaim gronde :
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord ;
C'est la plainte,
Presque éteinte,
D'une sainte
Pour un mort.

On doute
La nuit...
J'écoute : -
Tout fuit,
Tout passe
L'espace
Efface
Le bruit.​
 
Dernière édition:

DeletedUser

moi aussi j'adore Victor Hugo car c'était un poète engagé et plein d'espoirs :)

Lorsque l'Enfant paraît

Victor Hugo (1802-1885)

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être
Se dérident soudain, à voir l'enfant paraître
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saint ! la grave causerie
S'arrête en souriant.

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.

Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
A l'auréole d'or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche,
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Ame où rien n'est impur !

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs si vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie;
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers.

Seigneur ! Préservez-moi ! Préservez ceux que j'aime !
Frères, parents, amis, et mes ennemis même,
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants.




 

douce

Pousse de tréant
LE CHAT

Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.

C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal
 
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