• Ecrits et graph - Aide

    Cette section vous permet de consulter les galeries des joueurs, qu'il s'agisse de leurs écrits ou de leurs créations graphiques. Merci de rester courtois et constructifs dans vos échanges !

    Modérateurs de la section :

Et nos textes, passages, poèmes préférés ?

DeletedUser12058

Moi ce que j'aime c'est quand on joue avec les mots. :D Et à ce titre un qui le faisait très bien c'est Robert Desnos. ;)

Notre paire

Notre paire quiète, ô yeux !
que votre "non" soit sang (t’y fier ?)
que votre araignée rie,
que votre vol honteux soit fête (au fait)
sur la terre (commotion).

Donnez-nous, aux joues réduites,
notre pain quotidien.
Part, donnez-nous, de nos œufs foncés,
comme nous part donnons
à ceux qui nous ont offensés.
Nounou laissez-nous succomber à la tentation
et d’aile ivrez-nous du mal.

Robert Desnos, Corps et biens, 1930
 

DeletedUser

Bu-Wol.

Bu-Wol, la grande sœur de Dae-Bok
Ne possède rien
Sinon un miroir de la taille d'une demie-paume
Tellement ancien
Qu'il est devenu terne.

Grâce à ce miroir
Une journée s'en va en un clin d’œil.
Bu-Wol qui mariée
Sera la ménagère la plus méticuleuse.

Quelquefois s'achète de la poudre blanche et se maquille
Se maquille de cette poudre
D'albâtre broyé.
Quand sa langue en goûte
A cause du goût aigre d'abricot sauvage
D'un coup dans le miroir le visage se crispe.

Regardant le miroir
Elle sursaute
Alors qu'elle est seule
Puis le pose et se lève
Se pressant vers la cuisine
Elle verse l'eau dans la marmite
Puis jette des brindilles humides
Dans le foyer
Allume à grand peine le feu
Alors que du kaki dans le village voisin
Un fruit tombe, toc !
Pas de kaki
Chez Dae-Bok.

Miroir caché de Bu-Wol
Miroir obscur.

Ko-Un.
Extrait de Dix milles vies.
 

DeletedUser

La chouette

La chouette en plein jour
ouvre grand les yeux
ne voit rien
Attends !
Ta nuit viendra à coup sûr.

Les éphémères

Trois cent millionièmes de seconde
Si c’est ce que dure la vie d’une particule
Pense combien doit être éternelle toute une journée
Tu dis qu’un jour est court ?
Vraiment c’est de la convoitise.

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Le cachot étroit

S’il n’y a pas ici toutes les nations
Ou aller voir
les beaux drapeaux de tous les pays
Aujourd’hui l’Italie
Demain l’Espagne
Je fais un tour
Et après-demain le Sri Lanka.

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Pour rien

Le chemin qu’on a pris seul
On dit qu’on l’a pris
Puisqu’on nous a dit de le prendre
Le cours d’eau qui coule pour rien dans la vallée
On dit qu’il coule
Puisqu’on lui a dit de couler
La pauvre sagesse de ce monde

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Un nouveau chemin

A présent entre dans la mer
Depuis les baleines et les requins jusqu’aux crevettes
Jusqu’aux lieux sombres du fond des mers
Que tu as beaucoup d’amis
Au lieu de suivre les pas du Bouddha entre dans la mer.

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Une parole

Trop tard
Avant que je ne dise
Ma parole
Déjà le monde l’a entendue
Le ver de terre l’a entendue
Le cri du ver de terre --- Sss


Au cœur des ténèbres plus qu’obscures

Au cœur des ténèbres plus qu’obscures
une fleur s’épanouit
dans son cri solitaire

et là, tout près
et rouge, une fleur s’épanouit
sans rien dire


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L’étoile filante

C’est bien tu me reconnais.

Extraits de Qu'est-ce ? Poème Zen de Ko-Un.
 

DeletedUser

Les nuits de Seoul

Lampadaires rouges.
Lampadaires bleus.
Lampadaires bleus pour les grands boulevards.
Lampadaires rouges pour les impasses.
Les lampadaires scintillent.
Les lampadaires faiblissent.
Les lampadaires donnent de nouveau dans le flou.
Les lampadaires veillent sur les nuits longues, comme mortes.

Même dans les clairs et les obscurs
Des lieux inconnus du tréfonds de mon coeur,
Le lampadaire rouge se répand en pleurs.
Le lampadaire bleu se répand en pleurs.

Lampadaires rouges.
Lampadaires bleus.
Le ciel nocturne lointain est tout noir.
Le ciel nocturne lointain est tout noir.

On dit les rues de Seoul agréables
On dit les rues de Seoul agréables
Lampadaires rouges.
Lampadaires bleus.

Des lieux inconnus du tréfonds de mon coeur
Le lampadaire bleu est bien solitaire.
Le lampadaire rouge est bien solitaire.

Kim Sowol.
 

DeletedUser

Voici un poème évoquant la Nostalgie d'avoir perdu son pays pendant la colonisation du Japon en Corée, qui durée a peu près 35 ans.

Nostagie.

A l'est, à l'extrémité d'une vaste plaine,
un petit ruisseau serpente au gazouillis de contes de fées
Un taureau moucheté, couleur d'or et de crépuscule,
meugle paresseusement
Dans mes rêves même,
Comment oublier mon village ?

Quand refroidissent les cendres du brasero d'argile,
le vent de la nuit, dans le champ désert,
enfourche un cheval au galop.
Ce pays où mon vieux père au sommeil léger
retourne son oreiller de paille.
Dans mes rêves même,
Comment oublier mon village ?

Mon âme, imprégnée de la terre nourricière,
aspire à revoir cet azur.
Elle part à la recherche de la flèche aveuglément tirée.
Dans mes rêves même,
Comment oublier mon village ?

Ce village où, avec ma jeune sœur,
ses cheveux noirs flottant au ras des oreilles
comme les flots de la nuit dansant sur la mer légendaire,
mon épouse, aux pieds nus,
tournant le dos au soleil ardent,
simple et ordinaire, glanait les épis dans les champs.
Dans mes rêves même,
Comment oublier mon village ?

Dans le ciel, les étoiles clairsemées
avancent vers un mystérieux château de sable.
Le piètre toit sur lequel un corbeau blanc de givre s'arrête un instant et croasse.
Cette maison, où, autour d'un faible lampe,
Les gens bavardent gaiement,
Dans mes même,
Comment l'oublier ?

Jeong Yi-yong.
 

Thorondhor

Élève assidu
L’aigle symbole de puissance et d’invulnérabilité... quelque chose qui tient du mythe, et pourtant...

The Eagle


He clasps the crag with crooked hands;
Close to the sun in lonely lands,
Ring'd with the azure world, he stands.

The wrinkled sea beneath him crawls;
He watches from his mountain walls,
And like a thunderbolt he falls.



Alfred Lord Tennyson

 

DeletedUser6396

j'peux proposer ca..... avec quelque blanc:oops:

L'Aigle

Il étreint le rocher escarpé de mains courbes;
près du soleil dans des terres solitaires,
Ring'd( en union?) avec le monde azuré, il est debout.

La mer ridée au-dessous de lui crawls (rampe?);
il observe de ses murs de montagne
Et comme un coup de foudre il tombe.
 

Thorondhor

Élève assidu
Merci Puce ;) voici ma proposition, qui la complète du coup ;)

L'Aigle

Il étreint le rocher escarpé de mains recourbées;
près du soleil dans des terres solitaires,
Encerclé par le monde azuré, il se dresse.

La mer ridée rampe au-dessous de lui ;
il observe de ses murs de montagne
Et comme un coup de foudre il tombe.


Mais la traduction est si loin de la poésie du texte original que ça me fait bizarre...
 

DeletedUser4713

Bonjour,

C'est un très beau fil que voilà, merci à sa "créatrice" et aux participants pour nous partager d'aussi beaux textes.

Quelques citations que j'affectionne particulièrement...

Finalement je n'aime pas la sagesse.
Elle imite trop la mort.
Je préfère la folie !
Pas celle que l'on subit, mais celle avec laquelle on danse.
-Christian Bobin.

Le tango, je me demande pourquoi
ça se danse debout .....
-Sacha Guitry.

Le paradis n'a pas d'adresse, il se déplace à la surface de la planète
pour offrir des moments furtifs à ceux qui savent les saisir.
- Julien Blanc-Gras.

Je veux devenir psy
mais uniquement pour les coquillettes et les macaronis
comme ça je serais psy qu'aux pâtes......
- Âme juin 97..
 

AliasMelusine

Disciple des gobelins
Bonsoir par ici ;)
Quand j'étais lycéenne, c'est-à-dire hier :p:rolleyes:, je suis tombée sur un recueil de poésies, et je l'ai toujours...
En voici un extrait...

Notre monde s'abîme,
se remplit de racisme,
et ne connaît plus l'humanisme.
Les puissants promettent,
les autres se soumettent,
rien ne s'arrête.
Plus personne ne prend le temps de vivre,
tous, ils se battent pour survivre,
pour obtenir le droit d'être libre.
Ils défendent leur politique,
parfois si dure et si critique,
que personne ne comprend leur pratique.
Que nous réserve l'avenir ?
Notre monde est entrain de mourir,
et avec lui, nous allons périr.
Les hommes ne se connaissent plus,
se croisent, se toisent,
ne se parlent plus,
se haïssent, s'entretuent,
ne se comprennent plus.
Un espoir renaît quand même,
car peut-être se disent-ils parfois qu'ils s'aiment ?
... Tout finit bien dans les poèmes !

Extrait de "Fleurs d'Illusions" de Sophie Sophie -1983-
(ouvrage tiré à 20 exemplaires)
I.S.B.N. 2.214.05309/3

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Thorondhor

Élève assidu
Malheur à ceux qui n’ont pas connu le silence ! Le silence est un peu de ciel qui descend vers l’homme.
Il vient de si loin qu’on ne sait pas, il vient des grands espaces interstellaires, des parages sans remous de la lune froide.
Il vient de derrière les espaces, de par delà les temps, – d’avant que furent les mondes et de là où les mondes ne sont plus.
Que le silence est beau !... C’est une grande plaine d’Afrique, où l’aigre vent tournoie. C’est l’océan Indien, la nuit, sous les étoiles…

Le Voyage du Centurion, E. Psichari​
 

DeletedUser12178

Un long chemin vers la liberté de Nelson Mandela

Un long chemin vers la liberté

« J’ai toujours su qu’au plus profond du cœur de l’homme résidaient la miséricorde et la générosité.
Personne ne naît haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion.
Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car
l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire.
Même aux pires moments de la prison, quand mes camarades et moi étions à bout, j’ai toujours aperçu une lueur
d’humanité chez un des gardiens, pendant une seconde peut-être, mais cela suffisait à me rassurer et à me
permettre de continuer.
La bonté de l’homme est une flamme qu’on peut cacher, mais qu’on ne peut jamais éteindre. Un homme qui prive
un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, il est enfermé derrière les barreaux des préjugés et de
l’étroitesse d’esprit. Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté, tout comme je ne suis
pas libre si l’on me prive de ma liberté.
L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité. Quand j’ai franchi les portes de la prison,
telle était ma mission : libérer à la fois l’opprimé et l’oppresseur. Certains disent que ce but est atteint. Mais je sais
que ce n’est pas le cas. La vérité, c’est que nous ne sommes pas encore libres ; nous avons seulement atteint la
liberté d’être libres, le droit de ne pas être opprimés.
Nous n’avons pas encore fait le dernier pas de notre voyage, nous n’avons fait que le premier sur une route plus
longue et difficile. Car être libre ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui
respecte et renforce la liberté des autres. La véritable épreuve pour notre attachement à la liberté vient de
commencer »....

(Nelson Mandela)
 

DeletedUser6396

Une prière qui m'a touché il y a déjà fort longtemps, et qui m'accompagne encore
Prière de Mère Teresa
La vie est la vie !

La vie est beauté, admire-la
La vie est félicité, profites-en
La vie est un rêve, réalise-le
La vie est un défi, relève-le
La vie est un devoir, fais-le
La vie est un jeu, joue-le
La vie est précieuse, soigne-la bien
La vie est richesse, conserve-la
La vie est amour, jouis-en
La vie est un mystère, pénètre-le
La vie est une promesse, tiens-la
La vie est tristesse, dépasse-la
La vie est un hymne, chante-le
La vie est un combat, accepte-le
La vie est une tragédie, lutte avec elle
La vie est une aventure, ose-la
La vie est bonheur , mérite-le
La vie est la vie, défends-la
 

AliasMelusine

Disciple des gobelins
Frappe avec la Tête
(Daniel Balavoine)

Sous la torture
Derrière les murs
Les yeux remplis d'effroi
L'homme aux vœux purs
Souffre et endure
Les coups sourds de la loi
Noyés par les bulles rouges
Ses mots muets
S'élèvent et s'écrasent sur la paroi
L'écrivain plie mais ne rompt pas
Ressent une étrange douleur dans les doigts
Délire en balbutiant qui vivra vaincra

Dans la cellule du poète
Quand le geôlier vient près de lui
Quand plus personne ne s'inquiète
L'homme que l'on croyait endormi
Frappe avec sa tête

A court d'idées
Ils t'ont coupé
Et ta langue et les doigts
Pour t'empêcher
De t'exprimer
Mais ils ne savent pas
Qu'on ne se bat pas
Contre les hommes
Qui peuvent tout surtout pour ce qu'ils croient
Et l'homme infirme retrouve sa voix
Défie le monde en descendant de sa croix
Et sort la liberté de l'anonymat

Dans la cellule du poète
Quand le geôlier vient près de lui
Quand plus personne ne s'inquiète
L'homme que l'on croyait endormi
Frappe avec sa tête

Frappe avec ta tête...
 

DeletedUser12178

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Renouveau

Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau
Et triste, j'erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane

Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève...
- Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil
De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.


Stéphane MALLARME (1842-189:cool:
 

Thorondhor

Élève assidu
If...

If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you.
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting.
Or being lied about, don’t deal in lies,
Or being hated, don’t give way to hating,
And yet don’t look too good, nor talk too wise:

If you can dream —and not make dreams your master
If you can think —and not make thoughts your aim
If you can meet Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you’ve spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools.
Or watch the things you gave your life to broken,
And stoop and build’em up with worn-out tools:

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: “Hold on!”

If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings —nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute,
With sixty seconds’ worth of distance run.
Yours is the Earth and everything that’s in it,
And —which is more— you’ll be a Man, my son!

Rudyard Kipling (1865-1936)
Traduction de Jules Castier (1949)

Si tu peux rester calme alors que, sur ta route,
Un chacun perd la tête, et met le blâme en toi ;
Si tu gardes confiance alors que chacun doute,
Mais sans leur en vouloir de leur manque de foi ;
Si l’attente, pour toi, ne cause trop grand-peine :
Si, entendant mentir, toi-même tu ne mens,
Ou si, étant haï, tu ignores la haine,
Sans avoir l’air trop bon, ni parler trop sagement ;

Si tu rêves, — sans faire des rêves ton pilastre ;
Si tu penses, — sans faire de penser toute leçon ;
Si tu sais rencontrer Triomphe ou bien Désastre,
Et traiter ces trompeurs de la même façon ;
Si tu peux supporter tes vérités bien nettes
Tordues par les coquins pour mieux duper les sots,
Ou voir tout ce qui fut ton but brisé en miettes,
Et te baisser, pour prendre et trier les morceaux ;

Si tu peux faire un tas de tous tes gains suprêmes
Et le risquer à pile ou face, — en un seul coup —
Et perdre — et repartir comme à tes débuts mêmes,
Sans murmurer un mot de ta perte au va-tout ;
Si tu forces ton coeur, tes nerfs, et ton jarret
À servir à tes fins malgré leur abandon,
Et que tu tiennes bon quand tout vient à l’arrêt,
Hormis la Volonté qui ordonne : “Tiens bon !”

Si tu vas dans la foule sans orgueil à tout rompre,
Ou frayes avec les rois sans te croire un héros ;
Si l’ami ni l’ennemi ne peuvent te corrompre ;
Si tout homme, pour toi, compte, mais nul par trop ;
Si tu sais bien remplir chaque minute implacable
De soixante secondes de chemins accomplis,
À toi sera la Terre et son bien délectable,
Et, — bien mieux — tu seras un Homme, mon fils.


Traduction de Germaine Bernard-Cherchevsky (1942)

Si tu restes ton maitre alors qu’autour de toi
Nul n’est resté le sien, et que chacun t’accuse ;
Si tu peux te fier à toi quand tous en doutent,
En faisant cependant sa part juste à leur doute ;
Si tu sais patienter sans lasser ta patience,
Si, sachant qu’on te ment, tu sais ne pas mentir ;
Ou, sachant qu’on te hait, tu sais ne pas haïr,
Sans avoir l’air trop bon ou paraitre trop sage ;
Si tu aimes rêver sans t’asservir au rêve ;

Si, aimant la pensée, tu n’en fais pas ton but,
Si tu peux affronter, et triomphe, et désastre,
Et traiter en égaux ces deux traîtres égaux ;
Si tu peux endurer de voir la vérité
Que tu as proclamée, masquée et déformée
Par les plus bas valets en pièges pour les sots,
Si voyant s’écrouler l’œuvre qui fut ta vie,
Tu peux la rebâtir de tes outils usés ;

Si tu peux rassembler tout ce que tu conquis
Mettre ce tout en jeu sur un seul coup de dés,
Perdre et recommencer du point d’où tu partis
Sans jamais dire un mot de ce qui fut perdu ;
Si tu peux obliger ton cœur, tes nerfs, ta moelle
À te servir encore quand ils ont cessé d’être,
Si tu restes debout quand tout s’écroule en toi
Sauf une volonté qui sait survivre à tout ;

Si t’adressant aux foules tu gardes ta vertu ;
Si, fréquentant les Rois, tu sais rester toi-même,
Si ton plus cher ami, si ton pire ennemi
Sont tous deux impuissants à te blesser au cœur,
Si tout homme avec toi compte sans trop compter ;
Si tu sais mettre en la minute inexorable
Exactement pesées les soixante secondes
Alors la Terre est tienne et tout ce qu’elle porte
Et mieux encore tu seras un homme mon fils !

Si… Tu seras un homme, mon fils
Traduction et adaptation d’André Maurois (191:cool:

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaitre,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maitre,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.

Rudyard Kipling
 
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